Il suffit d'écouter les femmes ...
C’est le titre d’un dossier publié par l’INA et la chaine ARTE pour célébrer le cinquantenaire de la loi Veil qui a dépénalisé l’interruption volontaire de grossesse en 1975. Les paroles à la tribune de l'Assemblée nationale, de Simone Veil défendant son texte. "Aucune femme ne recourt de gaieté de cœur à l’avortement. Il suffit de les écouter. C’est toujours un drame "
Une étape cruciale dans le long parcours de la lutte pour l’égalité des sexes, une liberté qui figure désormais dans notre Constitution, mais qui est battue en brèche dans maints pays qui se veulent pourtant parmi les plus évolués de la planète.
Un documentaire très émouvant pour lequel une foule de femmes ont témoigné de leurs terribles expériences des avortements clandestins avant l’entrée en vigueur de la loi.
Et moi aussi, j’ai envie de témoigner … J’ai vécu cette sorte d’expérience, même si c’était alors tout à fait légal, puisqu’en 1989. Et je ne suis pas fière de ce qui compte parmi les plus pénibles souvenirs de ma vie.
En réalité, nous aurions été heureux, quelques années auparavant, d’accueillir un quatrième enfant. Moi, j’ai toujours craqué devant les bébés. Je me souviens me relever la nuit pour aller « renifler » mes petites chéries pendant leur sommeil. Nous avions tenté, à plusieurs reprises, de mettre en route un nouvel enfant, avant mes 39 ans (une limite que je m’étais fixée). J’avais même consulté un gynécologue qui m’avait expliqué que, passé un certain âge, la fécondité diminuait … La pilule m’étant interdite, j’avais renoncé et puis, à 43 ans, je me suis retrouvée soudain « piégée ».
Je venais de trouver un nouvel emploi, un poste de direction, mes filles étaient quasiment autonomes, je ne me sentais pas capable d’assumer ce nouvel enfant non programmé. Claude, fervent catholique et donc très partagé, m’a cependant laissée libre de mon choix et j’en avais parlé à notre fille aînée, qui allait vers ses 18 ans … je me souviens qu’elle m’avait encouragée à garder ce bébé. Mais tout mon corps me l’interdisait …
Alors, j’ai suivi la procédure. J’étais dans les temps mais il ne fallait pas en perdre. J’ai passé les épreuves des consultations auprès du planning familial. Où tout a été fait pour me décourager de l’intervention : j’avais les moyens matériels, j’aurais pu faire un effort … je n’étais pas un cas social. J’ai ressenti un fort sentiment de culpabilité.
Ensuite, je suis allée dans une clinique. On m’a fait payer l’intervention d’avance et en liquide. Je ne me souviens pas de ce qui s’est passé, j’ai bénéficié d’une anesthésie générale … j’étais sur pieds dans la journée.
Je ne suis pas fière mais je ne regrette pas. Ce fut une décision mûrement réfléchie. Un exercice de liberté dans lequel la femme est totalement seule à assumer. J’ai le bonheur d’avoir trois filles superbes. J’aimais mon travail, j’avais juste assez de temps à leur consacrer.
Mais j’ai très mal vécu la chape de culpabilité que, plus de 10 ans après l’entrée en vigueur de la loi Veil, on a tenté de m’instiller des remords.