Au couchant, l'espérance - roman de Gilbert Sinoué
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Est-ce un hasard ou une connivence d’éditeurs ?
Lors de ma dernière razzia chez mon libraire préféré, j’ai choisi sur une même table les polars de Melvina Mestre qui se déroulent dans le Maroc de 1952 et la suite des ouvrages de Gilbert Sinoué, ici racontant l’histoire du protectorat de 1912 à 1956, date de son indépendance. Et plusieurs personnages sont cités dans tous ces ouvrages : le maréchal Juin, le pacha de Marrakech El Glaoui violemment opposé au Sultan et enfin l’abominable chef de la police Boniface …
Je suis donc replongée dans l’histoire de ce pays où mes parents ont vécu *de si belles années entre 1932 et 1944, rapatriés en France dans les bagages du Gouvernement Provisoire de la République du général de Gaulle.
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En fait, il conviendrait commencer par ce roman de Gilbert Sinoué pour mieux comprendre à la fois le caractère exceptionnel de la relation tissée entre la France, république jalouse de son empire colonial et convaincue de sa supériorité et le Maroc, seule nation africaine qui ne fut jamais colonisée, étant comme une île entourée d’obstacles difficilement franchissables : la mer et l’océan à l’ouest, la barrière des montagnes à l’est …
Mais une contrée particulièrement riche (phosphates, manganèse, cobalt, cuivre, etc …) et donc convoitée – en particulier par les Espagnols et les Français au début du XIXème siècle, mais aussi les Allemands en sous-main puis les Américains dès 1942.
A travers l’intrigue romanesque des personnages, en particulier Hussein Chaoui le journaliste musulman adopté par une famille juive, avec leur fille Léa l’infirmière, ses amis anciens étudiants de la Quaraouiyine , son patron Elias … c’est la description du processus inéluctable d’accession à l’indépendance qui est icidécrit de façon claire.
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Une épopée d’où émergent plusieurs figures emblématiques : le maréchal Lyautey et son œuvre particulièrement efficace et respectueuse des traditions et des croyances marocaines comme de la personnalité du sultan, le jeune Mohammed ben Youssef, futur roi Mohammed V, et le vaillant émir Abd el-Krim, vainqueur des Espagnols dans la première partie de la guerre du Rif.
Il est évident que les autorités françaises, à travers la succession de résidents nommés entre le renvoi de Lyautey, jugé trop respectueux de la spécificité marocaine, et le dernier fonctionnaire accueillant le sultan au retour de son exil forcé en mars 1956, n’ont pas ici le beau rôle. Mais le démantèlement de son empire colonial fut bien pire ailleurs qu’au Maroc.
On suit ainsi le combat de ces jeunes gens lettrés et déterminés, qui ont bénéficié d’une formation supérieure et ne supportent plus d’être discriminés au profit de Français médiocres, la distribution de terres à des colons, l’arrogance des ultras …
Quarante quatre années - finalement peu de choses au regard de la civilisation millénaire du Maroc - de présence française jalonnée de pressions, de coups fourrés et de violences contraires aux traités … mais il en reste aussi une solide amitié, ou du moins je veux le croire !
*lire leur histoire à la rubrique "Affaire terminée, j'arrive"
Au couchant, l’espérance, roman historique de Gilbert Sinoué, publié chez Gallimard,334 p., 22€.