Hommage à ma maman ...
Lucie Pellegrino était née le 21 décembre 1913 - ou peut-être bien le 20, personne n'a su si mon grand-père n'avait pas dépassé de 24 heures le délai de déclaration à l'état-civil.
Elle était la huitième et dernière enfant d'un couple d'immigrés en provenance du Piémont, ayant traversé les Alpes pour venir s'installer à Cannes, au début comme saisonniers, puis s'installant définitivement.
Ils étaient fiers de leur naturalisation intervenue par décret le 27 juin 1927. Ils étaient travailleurs pauvres et seul mon grand-père maîtrisait le français. Sur les huit enfants de la famille, seules quatre filles avaient survécu.
Lucie était donc la plus jeune, et certainement très choyée par ses grandes soeurs. Mais son premier objectif fut d'échapper à sa famille et à sa condition, en finançant elle-même un diplôme Pigier de steno-dactylographe après l'obtention du Certificat d'Etudes, et surtout en épousant son premier et seul amour, Jean Mens, mon papa, le 9 janvier 1932.
Elle n'aurait pas faire plus vite : la majorité civile étant fixée à l'époque à 21 ans, mon père l'avait atteinte 3 mois auparavant, et je me souviens qu'ils avaient dû menacer d'introduire une "sommation respectueuse" pour emporter le consentement des parents de Lucie à ce mariage ...
Le jeune couple s'installe immédiatement à Casablanca, un pays en construction ... Ils travaillent tous les deux jusqu'au déclenchement de la guerre. Papa s'est engagé, il est versé dans une unité combattante. Leur première fille naît le 20 juin 1939. Elle ne verra pas son père pendant plus de 3 ans. Maman exerce plusieurs emplois ...
Moi, je suis un effet du "retour des prisonniers" en 1946. Mon père voyage beaucoup, maman a accepté de quitter son emploi pour s'occuper de nous à plein temps. Je me souviens avec tellement d'acuité de son intelligence, de son adaptabilité, sa curiosité et sa rage de lire et d'apprendre tout ce que la vie ne lui avait pas permis d'étudier.
Elle nous a élevées avec des principes extrêmements stricts, et en particulier la nécessité impérieuse d'obtenir des diplômes, pour rester indépendantes financièrement, quelles que soient les circonstances matrimoniales. Personne ne parlait de féminisme à l'époque, pourtant ...
Elle nous a quittés le 7 juillet 1997, des suites d'une maladie cardiovasculaire ...
Sa disparition fut mon premier chagrin. Je n'ai jamais réussi à "faire mon deuil". Et à vrai dire, je n'ai toujours pas compris ce que cela signifie ...
Je pense à elle tous les jours.
Bon anniversaire, maman.
P.S. Mon neveu Olivier, sur les genoux de sa grand-mère - se souvient-il de ce pique-nique à Andon, envahi de grosses mouches ?