Jardin d'acclimatation : la face sombre du premier parc d'attractions français
Croyez-moi si vous voulez mais, parmi les choses que je n’ai jamais faites durant toute ma vie, je n’ai jamais mis les pieds au Jardin d’acclimatation. Et j’ai toujours cru que le seul parc zoologique était celui du bois de Vincennes (qui a ouvert en 1934). Grave erreur … car le premier du genre était bien celui du bois de Boulogne.
Le Jardin Zoologique d’Acclimatation fut inauguré le 6 octobre 1860, par Napoléon III et son épouse, dans le bois de Boulogne.
L’Empereur souhaitait un parc paysager à la manière des jardins anglais. Inauguré en présence de personnalités (Hector Berlioz, Alexandre Dumas, Prosper Mérimée ou Théophile Gautier), le Jardin remporte le succès dès son ouverture.
Ses créateurs sont l’ingénieur Jean-Charles Alphand, l’architecte Gabriel Davioud et le paysagiste Jean-Pierre Barillet-Deschamps, sous la direction du baron Haussmann.
Le Jardin bénéficie d'une concession de 15 hectares accordée par la Ville de Paris à la Société Impériale Zoologique d’Acclamation. Fondée en 1854 par le zoologiste Isidore Geoffroy Saint-Hilaire et quelques amis, avec pour objectif de favoriser l’introduction, l’adaptation et la domestication des espèces animales et végétales venues des civilisations les plus lointaines en recréant artificiellement leur milieu naturel. Cet espace d’agrément à une triple vocation scientifique, divertissante et éducative.
Réaménagé et embelli en 1872 (en décembre 1870, faute d’aliments ordinaires, on se résout à sacrifier les quelques animaux exotiques encore présents au Jardin), le Jardin d’Acclimatation ouvre à nouveau.
Maintes améliorations y sont apportées : une bergerie supplémentaire, des écuries, une nouvelle magnanerie, des parcs d’élevage de canards, un vaste chenil, un buffet, un « panorama », un gymnase réservé aux enfants qui peuvent aussi faire des promenades à dos de zèbre, de dromadaire, de chèvre ou d’autruche…
Le parc retrouve sa flamboyance avec une fréquentation qui atteint plus de 10 000 visiteurs certains dimanches.
La IIIe République marque les esprits par sa passion effrénée pour l’exotisme, les voyages et l’ethnologie. Et l’exaltation des conquêtes coloniales. C’est en 1877 qu’est organisée la première exhibition ethnographique d’un groupe humain au Jardin d’Acclimatation. Le jardin va basculer en zoo humain … et nourrir la propagande colonialiste.
Pour Albert Geoffroy Saint-Hilaire (fils du précédent), alors directeur du site, l’occasion est trop belle. Une troupe de Nubiens livrée par le zoologiste allemand Carl Hagenbeck est installée devant les écuries entre le pavillon des lamas et celui des mammifères. Le succès est immédiat et l’attraction est si lucrative que 22 autres exhibitions vont suivre en vingt-ans celle de 1877.
Selon le Guide du promeneur (1930) : « Les exhibitions ethnographiques, dont le Jardin d’Acclimatation a comme le monopole, ont le double mérite d’éveiller la curiosité de la foule et de l’instruire en mettant sous ses yeux des races humaines ».
Mais le sensationnalisme recherché par la direction du Jardin est sévèrement désavoué par la Société d’Acclimatation. La fréquentation double pour atteindre 830 000 entrées. La série d’exhibitions s’achève en 1931 sur une triste mystification : une centaine de Kanaks est hébergée dans des cases primitives et présentée à un public crédule comme des « sauvages polygames et cannibales ».
Ce genre de spectacle a grandement contribué à implanter dans la croyance populaire la vision de l’"indigène", de "l’Autre", naturellement l'inférieur au Blanc et donc destiné à être dominé, colonisé.
La suite lorsque j'aurai terminé les 700 pages de mon livre en cours ...
Tous comptes faits, je ne regrette pas de n’avoir jamais visité le Jardin d’Acclimatation.
Source ; site officiel du Jardon d'Acclimatation.