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Journal de bord d'une grand-mère grande lectrice et avide de continuer à apprendre, de ses trois filles et de ses 6 petits-enfants.
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13 décembre 2021

De la haine du Juif, essai historique de Pascal Ory

 

Ory

Dernier des livres de l’historien Pascal Ory, le premier qui paraît avec sa nouvelle dignité de membre de l’Académie française. Dans le prolongement de son ouvrage « Qu’est-ce qu’une Nation ? », voici une démonstration dense des origines et des principales motivations de la haine persistante contre les Juifs.

N’en déplaise à Jean-Paul Sartre, il n’y a pas de question juive, mais une question antijuive. Et c’est une question qui se pose aux non-juifs, les goys, comme l’auteur, comme moi. Pourquoi l’Homme a posé la question dans l’Histoire, depuis quand et pourquoi, et surtout pourquoi encore aujourd’hui, et pourquoi elle se posera à jamais. La démonstration est aussi cruelle qu’éclairante.

Le mot antisémitisme est né sous la plume d’un philologue autrichien en 1860 puis repris en 1879 par Wilhelm Marr, un Allemand. Il convient de souligner que la philologie est une spécialité germanique, dont l’une des catégories est le langage « sémitique ». En découle une perspective culturelle visant la bipolarité Aryens / Sémites. L’auteur préfère user du terme de judéophobie. Il en retrace l’histoire, celle des exclusions entre communautés : Grecs, Egyptiens, Romains, Chrétiens. Un panorama des haines : monothéiste, athée, mondialisée …

Après le choc de la Shoah, la situation des Juifs ne fut jamais aussi favorable que pendant les trente années qui la suivirent. Pour la première fois depuis la chute du Second Temple, un Etat put se revendiquer du peuple juif. Un consensus s’impose alors parmi les instances intellectuelles et politiques d’Occident autour de la délégitimation de toutes les formes de judéophobie. Sauf en Union Soviétique

Si la judéophobie est née avec le christianisme, elle est donc « de droite », mais l’antisémitisme d’aujourd’hui vient de « la gauche », parmi ceux qui se considèrent comme exploités, humiliés, menacés : du ressentiment naît la xénophobie – un sondage de 2019 révèle que 44% des sympathisants des Gilets jaunes adhéraient à la thèse d’un complot sioniste mondial, contre 22% (quand même !) dans la population française.

Le phénomène se développe avec l’essor des idéologies et mythologies marginales et complotistes. L’effondrement du modèle marxiste et la droitisation continue de la société israélienne, substitue pour certains intellectuels de gauche militants le concept de « classe » à celui de « race ». Le prolétaire est devenu l’immigré, et une partie de la gauche radicale est accueillante à la problématique de la traditionnelle judéophobie du XIXème siècle, sous couvert désormais d’antisionisme.

La conclusion de cet essai historique est tragique. La judéophobie ne remonte pas à la nuit des temps mais prend date pour être éternelle.

 

De la haine du Juif, essai historique de Pascal Ory, de l’Académie française, aux éditions Bouquins, 160 p., 18€

 

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