Conservatoire de souvenirs
Alors que j’entre dans la dernière semaine de notre séjour d’été, j’entreprends les derniers rangements afin que, si d’aventure, des enfants ou petits-enfants souhaitaient venir occuper la maison pour les vacances scolaires, elle soit en capacité de les accueillir.
Chaque meuble, chaque ustensile, chaque lithographie m'évoque des souvenirs. Il est évident que cette grande maison a été « meublée » à l’origine presque exclusivement avec des objets de récupération. Ce qui ne convenait plus tout à fait à Paris, nous le « descendions » ici, et puis nos parents nous ont laissé des héritages. A part les appareils électro-ménagers achetés sur place – et il en faut de solides et largement dimensionnés pour une capacité maximale de 15 pensionnaires – et la réfection complète de la cuisine lors de notre départ en retraite, nous n’avons pas acheté grand-chose.
Alors, je repense à ma belle-mère adoptive lorsque je repasse les serviettes de table en coton tissé à Abidjan, je range mes grands plats dans le buffet basque que mes parents avaient commandé chez un ami ébéniste à Arête et aujourd'ui surplombé par une maquette d’un vaisseau de haut bord de l’époque de Louis XIV réalisée par mon père à plus de 90 ans.
Je range nos affaires dans d’énormes armoires – une provençale dans notre chambre et une maraîchine dans le salon où l’on stocke aussi les apéritifs - je me prélasse sur mon antique canapé vert acheté en 1967, j’ai toujours, mais en mauvais état, les torchons en lin « Fleur Bleue » de mon trousseau qui essuient si bien les verres, je suis encore encombrée par un méga service en porcelaine de Limoges « Legrand » provenant de la grand-mère de Claude (c’était avant que l’entreprise se spécialise dans l’équipement électrique) …
A chaque pas, une bouffée d’enfance et de jeunesse m’assaille. C’est pourquoi cette maison a pour grand avantage chaque année de recharger mes batteries pour affronter l’hiver.
Une exception : les assiettes achetées au magasin d’usine de la fayencerie de Gien, modèle « Lorraine rose, filet vert ou rouge », ou plus récentes. J’ai même retrouvé sur les sites d’enchères le service de table de mon enfance « Mary Lou » de Digoin-Sarregemines "peint à la main" acheté par ma mère pour la maison de Rocheville.
Quoi de plus agréable que de constituer une jolie table pour y retrouver les enfants et petits-enfants ?
Avec la certitude de leur constituer, à leur tour, un stock de souvenirs.