Rumeur 1789, roman historique par Anne Villemin-Sichermann
C’est le troisième épisode des enquêtes de l’artiste vétérinaire Augustin Duroch que je lis. Il se déroule à la veille de la Révolution.
J’avais laissé le héros en pleine spéculation sur les grains en 1770, je le retrouve marié à Célia, mais avec 19 années de plus. Sa réputation est toujours aussi bonne, et il continue à être sollicité par les autorités locales pour ses talents d’investigateur, surtout lorsqu’il s’agit de pratiquer des autopsies.
Novembre 1770. L’hiver est particulièrement rude dans la région de Metz. Les rivières sont complètement prises dans les glaces, on manque de farine car les moulins sont à l’arrêt, la disette s’étend dans les campagnes. Une ambiance propice à la propagation de fausses nouvelles, alors que tout le monde se prépare à envoyer des députés aux Etats-généraux convoqués par Louis 16 et dont la séance inaugurale est prévue pour le 5 mai.
On s’affaire à rédiger les cahiers de doléances. Le Tiers-Etat a obtenu son doublement pour être aussi nombreux que la Noblesse et le Clergé, mais la question est de savoir si le vote se fera par tête ou par ordre. La revendication principale concerne l’égalité de tous devant l’impôt …
Le roman combine judicieusement une trame policière – la découverte d’un noyé pris dans la glace au soir de la Saint Nicolas – et la description de l’ambiance délétère qui règne dans les campagnes où des agitateurs manipulent les paysans et les abreuvent de fausses nouvelles, les incitent à piller les châteaux et à brûler les registre des redevances. Les membres de la noblesse – de robe ou d’épée – sont partagés entre leur souhait de voir évoluer la société selon les principes des Lumières et l’angoisse de perdre leur revenu en même temps que leurs privilèges. La communauté juive réclame des droits équivalents alors qu'elle est soumise à une taxe spécifique exorbitante.
Sans compter les intrigues amoureuses qui agitent le microcosme local. Les portraits de femmes sont savoureux, y compris, comme toujours dans les romans de l’auteure, la noirceur d’une des protagonistes, particulièrement toxique.
Les belles amours d’Augustin et de son épouse ont pris un peu de plomb dans l’aile, sans compter l’amitié amoureuse qui le lie à la douce Eléonore, qui rédige son journal et ne nous cache rien de ses émois.
Un complément éclairant à la remarquable étude historique : Sept jours : 17 – 23 juin 1789 d’Emmanuel de Waresquiel qui décrit comment et dans quel contexte socio-économique la France est entrée en Révolution. Et des correspondances troublantes avec les mouvements de foule contemporains.
Rumeur 1789, polar historique d’Anne Villemin-Sichermann - Collection 10/18 Grands détectives, 567 p. 9,10€