Retour de service, roman de John le Carré
Je dirais volontiers à un éventuel lecteur « ne faites pas comme moi, ne commencez pas la lecture de l’œuvre de John le Carré par celui-ci. »
Bien entendu, j’ai entendu parler ou vu des films tirés de ses œuvres comme L’espion qui venait du froid, la Taupe, La maison Russie, Le Directeur de nuit, Le tailleur de Panama, La constance du jardinier, Un traitre à notre goût, Une vérité si délicate (déjà critiqués par Claude) … mais jusqu’ici, rien lu de lui « dans le texte ». C’est une lacune que je vais m’efforcer de combler cet été car nombre de ses précédents ouvrages dorment dans ma bibliothèque de campagne.
Dans cet épisode qui traite majoritairement des manigances entre services secrets – et celles des différents services du même pays ne sont pas les moindres – nous nageons en pleine actualité.
Il ne s’agit plus de Guerre Froide – on la regrette un peu, c’était si manichéen ! – mais des relations internationales aussi multilatérales que foutraques d’un Donald Trump, de la paranoïa de Vladimir Poutine, des errances du Brexit vues par les britanniques europhiles, de la vulnérabilité de l’Union Européenne.
Nat, le narrateur, est un agent sur le retour qui se voit confier en fin de carrière active à l'étranger un dernier poste à la tête d’un bureau qu’il doit vraisemblablement (administrativement) liquider.
Sa passion, à près de 50 ans, est athlétique : il joue régulièrement au badminton, un sport qui lui a permis jadis, dans ses affectations dans les pays de l’Est, de recruter ou de retourner différents agents. Il a pour épouse la délicieuse Prue, avocate de causes perdues mais femme d’agent secret parfaite.
Est-ce un effet de l’âge ou du désir de se rendre utile, Nat est approché par une grand jeune homme naïf et bavrd qui le défie au badminton. Dès le départ, on perçoit qu’il y a entourloupe sous roche. Nat s’en rend-il compte ? La rencontre va s’avérer explosive et la chute sera à la fois abrupte, invraisemblable et pour ma part, décevante.
John le Carré nous explique avec clarté les techniques classiques de surveillance et de contre-espionnage, les leviers des manipulations psychologiques, les rivalités entre équipes, les turpitudes des uns et des autres … et surtout la guerre souterraine qui mène le monde multipolaire dans lequel nous vivons.
Les portraits de personnages sont minutieux, on y retrouve des constantes comme le sort de gens sincères broyés par un système sans pitié. C’est bien écrit, bien traduit, mais je me suis tout de même pas mal ennuyée …
Retour de service (Agent running in the Field), roman d’espionnage de John le Carré, traduit par Isabelle Perrin, Le Seuil, 303 p., 22 €