Philippe de Girard, ingénieur hyperactif et méconnu
Extraordinaire destin de cet enfant précoce, inventeur compulsif, génial ingénieur, et totalement oublié – à l’exception de son nom donné à une rue reliant les 10ème et 18ème arrondissements en enjambant les voies de la gare de l’Est … et autrefois nommée "chemin des potences" !
Jadis, une vague référence familiale s’attachait pour moi au nom de cette rue, sans que je n’aie jamais mis les pieds dans ce quartier excentré. Et c’est en lisant l’histoire de la Pologne que je tombe sur le nom de ce glorieux inventeur, révéré dans ce pays où une ville porte son nom : Zyrardow (une déformation de son patronyme …). En France, il est bien moins connu que Gustave Eiffel, un autre génial inventeur qui lui aussi éprouva d’injustes vicissitudes judiciaires.
Philippe de Girard (1775 – 1845) naquit à Lourmarin, dans une famille protestante, et bénéficia des enseignements de son père, philosophe érudit. Enfant surdoué, il invente à 14 ans une machine pour utiliser le mouvement des vagues. A 15 ans, il sort diplômé de l’université de Montpellier en chimie et histoire naturelle. A 19 ans, il enseigne à l’Ecole Centrale.
Son activité inventive est fantastique : des machines à fabriquer du savon, à graver les pierres, une lampe hydrostatique à niveau constant, le verre dépoli, un condensateur électrique … et bien d’autres dispositifs.
Son œuvre maîtresse est la machine à tisser le lin dont il dépose le brevet en 1810 après avoir remporté le concours organisé par Napoléon.
« Napoléon, Empereur des Français, (...) portant un intérêt spécial aux manufactures « de notre Empire dont le lin est la matière première ;
« Considérant que le seul obstacle qui s’oppose à ce qu’elles réunissent la modicité du prix à « la perfection de leurs produits, résulte de ce que l’on n’est point encore parvenu à appliquer « des machines à la filature du lin comme à celle du coton ; nous avons arrêté et décrétons ce « qui suit :
« Article 1er, - Il sera accordé un prix de 1 million de Francs à l’inventeur, de quelque nation qu’il puisse être, de la meilleure machine à filer le lin ».
Deux mois après cette publication sensationnelle, c’est-à-dire le 18 juillet 1810, un premier brevet était pris par un Français : Philippe de Girard.
Cependant, ce prix ne lui sera jamais versé du fait de la chute de l'Empire, et il ne peut faire face à ses créanciers, il doit ventre ses plans aux Anglais pour 25000 livres sterling.
Il part découragé en Pologne et y fonde en 1815 plusieurs filatures près de Varsovie et à Ruda Grizovska, une ville nouvelle se développe alentour … il est enfin reconnu.
Bref, un destin exceptionnel d’ingénieur mécanicien de génie et d’entrepreneur. Mais comme dit l’adage : « Nul n’est prophète en son pays ».