Qui n'a pas son micro-parti ?
Un ensemble de lois destiné à moraliser - pardon, à redonner confiance en - la vie politique a été présenté hier à la Presse par le garde des Sceaux.
Il est nécessaire en effet de revenir sur le mode de financement de la vie démocratique, qui a, tout naturellement, un prix. Et de mettre de l’ordre dans certaines dérives apparues ces dernières années autour de la question du financement du débat public.
Selon la Commission Nationale des Comptes de Campagne, il existe aujourd’hui en France 451 partis politiques. Comment cela est-il possible dans un pays où l’on prétend que de plus en plus de citoyens se détournent de la vie politique et où l’on enregistre, scrutin après scrutin, davantage d’abstentions ?
Rien n’est plus facile en effet que de fonder un parti politique pour soutenir moralement – et surtout financièrement – tel ou tel candidat à une élection locale ou nationale. Sourions un instant à l’énoncé de tels ou tels noms de partis. En dehors de la myriade de ceux qui sont dédiés soit au soutien d’une personnalité politique soit à des mouvements indépendantistes ou sécessionnistes régionaux, j’ai noté certaines jolies « perles » : La voix des animaux, le mouvement Clérocratique, le comité central bonapartiste, Dies Irae (c’est un mouvement traditionnaliste catholique), Le Trèfle (c’est un parti écolo), le Pôle de renaissance communiste en France, le Parti Pirate …
Pourquoi une telle prolifération récente ? Parce que le parti politique est une structure très simple à fonder (il suffit d’une déclaration en Préfecture comme association selon la loi de 1901 à caractère politique, et de la désignation d’un mandataire financier) et qu’elle permet surtout de recevoir des dons (ce qui n’est pas autorisé à une simple association) et/ou des subventions.
Les dons sont plafonnés à 7500€ par personne et par an et défiscalisés à hauteur de 66% pour le donateur (pour un seul parti désormais). L’argent public est versé à raison de 1,40€ par voix obtenue dès lors que le parti a obtenu plus de 1% des suffrages exprimés dans au moins 50 circonscriptions). 1000 voix folkloriques obtenues dans 50 circonscriptions sur 577 rapportent donc 70 000 €, à une association qui se résume souvent à deux personnes, soit nettement plus que l’impression des professions de foi et des bulletins de vote …
A ce jour, sur les 451 partis déclarés, seuls 338 ont déposé leurs comptes à la commission de contrôle (depuis qu’on ne peut plus multiplier les microstructures permettant à un même donateur d’effectuer plusieurs dons simultanés à plusieurs partis "cousins") et sont donc considérés comme actifs. A comparer avec les 28 partis dénombrés en 1980. En 2013, 50 partis politiques ont reçu des subventions pour un montant global de 70 millions d’Euros, 12 partis bénéficiant de 90% des dépenses publiques.
Alors, j’insiste : avec en moyenne 14 candidats au premier tour par circonscription, il faut bien regarder pour quelle organisation on vote. Est-ce pour un groupement de citoyens professant une éthique sérieuse et des idées rationnelles ou pour un groupuscule « roulant » pour une seule et unique personne ? Pour une fois, il faudra lire attentivement les « professions de foi » qui sont adressées personnellement à chaque électeur pour éliminer toutes les propositions « fantaisistes » ou qui ne correspondent pas à un mouvement de pensée respectable …
Mais chacun voit midi à sa porte. Pour ma part, je considère que si le pluralisme politique est indispensable, la prolifération des mouvements politiques est la meilleure manière d’enterrer la démocratie.