Le Grand Soir, film de Benoît Delepine et Gustave Kervern
Il y a des films qu’on peut se dispenser d’aller voir … Nous nous sommes faits piéger, d’une part après avoir bien aimé Mammuth (mais c’était sans doute dû au casting et à l’âge du héros, et au talent de Yolande Moreau) de la même équipe déjantée de réalisateurs, ici plus Grolandais que jamais ….et d’autre part à des critiques de journaux bien-pensants béats devant la critique « absolue » de la société de consommation.
En réalité, on s’ennuie ferme devant ces deux gugusses qui prétendent nous délivrer du travail à jamais (effectivement, avec un tatouage sur le front comme « NOT » et « DEAD », on ne court pas grand risque de se faire recruter nulle part), qui errent sur le parking de ces super-marchés qui défigurent les abords des villes moyennes de leur laideur insigne. Ici, il s’agit de Bègles …pauvre Bègles ! J’attends l’analyse philosophique du rôle éminent de l’objet-culte « caddie » dans l’œuvre cinématographique de Benoît Delepine et Gustave Kervern …
Malgré leur talent, Benoît Poelvoorde et Albert Dupontel (et le chien ...) ne parviennent pas à sauver un scénario aussi anémique que la mise en scène est prétentieuse. Pourtant, le casting d’accompagnement regorge de beau monde, des copains venus faire une apparition comme Yolande Moreau, méconnaissable en vieille dame aux cheveux blancs taillés courts, Gérard Depardieu qui lit l’avenir dans le fond d’un mini-bol à alcool de riz, Brigitte Fontaine dont on se demande comment elle fait pour tenir debout …Un seul gag remarquable, celui du bon vigile qui vient prévenir le père des deux minables que « ça va pas aller », long dialogue sur les multiples facettes du verbe « aller », démontrant l’indigence langagière des pauvres types.
Pour moi, ce film n’est pas qu’une énième dénonciation de l’inanité de la société de consommation par de joyeux( ?) lurons qui visiblement s’en contrefichent, mais une insulte aux gens qui se battent pour survivre dans un monde en grave mutation et se confrontent à la solitude, à l'indifférence plus encore qu’à la misère. La France est un pays, une culture de la non-solidarité, où chacun tourne le dos à l’autre, même à ses plus proches. Et ce n’est certainement la morale de cette histoire – car il y en a une, celle d’abandonner le travail et de vivre aux crochets des autres – qui donnera de l’espoir aux uns et transformera les autres, les nantis, pour les rendre meilleurs.
Quand je songe que ce film a obtenu le prix spécial du jury de Cannes dans la section « Un certain regard », je me dis que je suis complètement nase … Effectivement, ce certain regard, je préfère l’éviter !