Valéry Giscard d'Estaing : centriste, libéral et européen

Réveil ce matin sur l’éditorial de politique étrangère de Vincent Hervouet intitulé « L’héritage de Giscard d’Estaing » et je comprends tout de suite. Le Président récemment sorti de l’hôpital (la Covid a encore frappé), vient de succomber et c’est toute ma jeunesse qui revient en force …

Mes premières pensées vont naturellement à son épouse, la si belle, si discrète, Anne-Aymone, qui s’activait dans l’ombre … Ma belle-mère adoptive peut témoigner de ses activités en faveur des enfants en souffrance pour lesquels elle recherchait partout des solutions et de nouveaux foyers. Après 68 années de mariage, et avec un tel homme, que de souffrance, que de souvenirs. Je gage que ce fut elle qui inspira à son mari quelques-unes de ses plus brillantes réformes en faveur des femmes … Mes respects, Madame.

Ainsi va la vie que les louanges ne sont dévolues aux hommes politiques qu’après leur mort. Tout le monde se déclare gaulliste aujourd’hui alors que nul personnage historique n’a été de son vivant aussi violemment vilipendé, ainsi en est-il aujourd’hui de Valéry Giscard d’Estaing pour lequel dès mes plus jeunes années, j’ai éprouvé la plus sincère admiration.

Ni de gauche, ni de droite en effet, mais centriste, libéral donc de sensibilité centre-droit, et européen, sincèrement. Car il avait fait la guerre : à 19 ans, il s'était engagé dans la 1^ère armée du général de Lattre, avait combattu courageusement à bord de son char. Il fut le continuateur de l’amitié franco-allemande initiée par le Général, puis inaugura la politique de contacts directs et personnels avec les puissants de ce monde.

Personne n’ignore ses réformes qui donnèrent un coup de jeune à la politique : droit de vote à 18 ans, création d'un ministère dévolu aux droits des femmes, légalisation de l’IVG, divorce par consentement mutuel, politique de redressement financier avec Raymond Barre, mon bien-aimé professeur d’économie. Je me souviens très bien de son élection en 1974. Nous habitions Vannes à cette époque, le maire étant Raymond Marcellin, le ministre de l’Intérieur qui se vantait qu’on le surnomme dans son dos « Raymond la matraque » …

Giscard en pull-over, sur des skis, en maillot de bain, jouant de l'accordéon, accueillant pour le petit-déjeuner l’équipe des éboueurs de l’Elysée, s’invitant à dîner chez des français « comme tout le monde ». Gadgets de communication, sans doute, mais aussi une réelle volonté de dépoussiérer le pouvoir … Giscard omniscient – on dirait aujourd’hui « jupitérien » -, séducteur, cumulard des plus hauts diplômes de la République (Polytechnique et l’ENA, tout comme l’une de mes autres idoles, Michel Pébereau), étincelant dans ses interventions télévisuelles, brocardé pour sa vision de l’avenir et de l’essor des  nouvelles technologies, son allure de dignité un peu compassée, son aptitude à clouer le bec aux incompétents.

La politique est rarement favorable aux esprits élevés ou trop en avance sur leur temps. J’imagine que des tombereaux de lauriers vont se déverser dans les médias ces prochains jours … Quelle hypocrisie lorsqu’on se remémore l’ignoble chantier des diamants de Bokassa ou des avions renifleurs … Il faut vraiment avoir le service de l’Etat – et une ambition solide – chevillés au corps pour affronter des concitoyens tels que les français toujours aussi réfractaires à toute réforme. Et cependant, il y a toujours une foule de candidats. Va comprendre, Charles !

N.B. : dans mes archives, je retrouve cette photo de Jacqueline Briot invitée par Madame Giscard d'Estaing à l'Elysée lors de la visite du pape Jean-Paul II à Paris (1980). Jacqueline était en Vendée la correspondante de la Fondation pour l'enfance fondée en 1977 par l'épouse du Président de la République.

Comments

[Binchy]

J'avais 20 ans en 1974. Oh que je me souviens. Un Président très moderne pour l'époque et qui a fait beaucoup pour nous les femmes ainsi que pour l'avancée de la technologie.

J'ai l'impression que l'on était plus décontracte dans ces années là tout en étant sérieux. Une autre période !

Belle journée à vous deux.

Amitiés.

Bernadette.

[Barbamamie]

Bonjour Bigmammy. Etant un peu plus jeune je n'ai pas les mêmes souvenirs que vous de ce Président, avec ce prénom de "fille", qui a impressionné mon enfance. J'ai cette image ineffaçable de le voir jouer de l'accordéon chez les Français. Avec lui un certain souvenir de cette France fout le camp... Bonne journée à vous

[Armelle]

Votre hommage à cet homme et homme politique est touchant.

Je suis peinée ce matin car j'avais un immense respect pour Valéry Giscard d'Estaing.