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Journal de bord d'une grand-mère grande lectrice et avide de continuer à apprendre, de ses trois filles et de ses 7 petits-enfants.
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12 avril 2024

Le temps des loups, L'Allemagne et les Allemands (1945 - 1955) par Harald Jähner

Lors de mon entrée en sixième (en 1957), mon père m’avait inscrite en allemand LV1, car ancien combattant, il pensait que si nous nous étions mieux compris, nous ne nous serions pas aussi souvent « foutus sur la gueule" avec les Allemands.

C’est pourquoi, dès 1960 et les étés suivants, j’ai passé des semaines dans une famille allemande de Marburg pour y parfaire l’apprentissage de la langue … Le père avait lui aussi connu la guerre : engagé volontaire avant l’âge légal, il avait été blessé sur le front russe, mais il s’était rendu compte du bourrage de crâne qu’il avait subi comme tous les jeunes allemands de sa génération, avait dû interrompre ses études et, s’étant procuré un appareil photo, il avait commencé à gagner sa vie en tirant le portrait des survivants de Berlin au milieu des décombres. Je n’ai jamais oublié ces échanges et je suis encore aujourd’hui en lien fraternel avec ma correspondante de l’époque, devenue une photographe renommée : Karen Ostertag

Je reste donc très attentive à tout ce qui paraît sur l’évolution de notre puissant et proche voisin … et lis avec intérêt tous les auteurs qui parlent de cette période de l’après-guerre …

Cet ouvrage est passionnant : comment ont vécu les survivants – et surtout les femmes - au milieu des monceaux de ruines, les exactions des vainqueurs, en particulier les soviétiques – mais pas que – comment les Allemands ont refoulé la culpabilité collective – une génération entière taisant la Shoah - comment les autorités d’occupation (de l’Ouest et de l’Est) ont procédé à la dénazification, le silence de toute une génération – mais la révolte surgira de leurs enfants -  le rôle de la Presse, la renaissance de la culture, la renaissance de l’économie avec la réforme monétaire de 1948 …

Nous ne pouvons pas nous représenter comment ce peuple a vécu les lendemains de la capitulation sans conditions, l’humiliation, la partition, l’occupation et le relèvement des ruines : l’afflux immense des personnes déplacées puisque les derniers camps de réfugiés ne furent démantelés qu’en 1966, le retour des prisonniers totalement « démonétisés », l’instinct de survie qui élimine les sentiments de culpabilité, une société en train de se reconstruire, y compris dans le déni.

L’importance des femmes pendant le conflit et la reconstruction physique et morale d’un pays où manquent 5 millions d’hommes morts au combat et encore 6 millions retenus en captivité. En 1950, on compte encore 1362 femmes pour 1000 hommes. Les 2/5èmes des classes 1920 – 1925 manquent à l’appel.

Les viols – l’ouvrage cite plusieurs fois le livre « Une femme à Berlin », le marché noir où la cigarette est devenue monnaie d’échange. Tout le monde chaparde, « organise » pour survivre, y compris avec l’indulgence des prélats. Entre dirigisme étatique de gestion de la pénurie et liberté anarchique d’un marché débridé : une synthèse avant l’heure de l’économie sociale de marché d’après 1948.

Une constatation : l’économie de guerre mise en œuvre par le troisième Reich pour nourrir le conflit a été largement épargnée et a constitué une base solide pour la reprise de l’industrie allemande …

La politique de dénazification sur laquelle se sont entendus les Alliés puis les lois d’amnistie ont permis le recyclage d’un grand nombre de responsables en charge de la reprise économique. Car la réintégration sociale des « suivistes » était aussi nécessaire qu’inévitable à la mutation de la population d’après-guerre en collectif de citoyens de la république fédérale.

Un livre édifiant, abondamment illustré, mais qui ne répond toujours pas à ma quête personnelle : comment un peuple aussi éduqué a-t-il pu se laisser circonvenir par les sirènes du national-socialisme et procéder à de tels massacres ?

Le temps des loups – Wolfzeit – L’Allemagne et les Allemands (1945 – 1955) par Harald Jähner, traduit de l’allemand par Olivier Mannoni, éditions Actes Sud, 360p., 24,89€

Commentaires
O
Merci pour cette lecture très précise et très intelligente de ce grand livre !
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J
Merci pour cette référence bibliographique. Agréable journée
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D
Peu habituée à laisser un commentaire, je tenais à vous remercier: le résumé des différents livres lus m'intéresse à chaque parution. La synthèse et votre avis me permettent de me documenter et de m'éclairer sur certains sujets. <br /> Belle journée.
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