70 ans de politiques à courte vue
Mon coup de gueule pour le jour anniversaire de la création de la IIIème République : les lamentations contre l’inflation.
Mais surtout, la courte vue et le déni des réalités économiques des politiques depuis … aussi longtemps que je me souvienne. Car les statistiques décrivent des faits. Dont les politiques ne tiennent que rarement compte car les conséquences à long terme de leurs décisions – en particulier démographiques ou financières – concerneront leurs successeurs (le passage au quinquennat fut une grave erreur, tout le monde en convient).
Quelques exemples bien oubliés :
En 1945, la guerre terminée vit le retour des prisonniers après parfois cinq années de captivité. Une vague de naissances – le « baby boom » - a submergé la France. Ces enfants (dont je suis), personne n’avait prévu de les accueillir à l’école et encore moins au lycée … Ils figuraient pourtant dans les statistiques. C’est ainsi que j’ai vécu mes deux premières années d’enseignement secondaire dans des bâtiments provisoires, et qu’on regardait « pousser » sur le terrain d’à côté le lycée qui devait leur succéder. Comme aujourd’hui (avec le succès des places en enseignement supérieur ouvertes via Parcoursup), le ministère de l’Education nationale embauchait à tour de bras des contractuels. Entre nous, ces professeurs n’étaient pas plus mauvais que les autres … A nouveau, les étudiants devront aujourd'hui écouter leurs professeurs assis par terre dans les escaliers ... ou pratiquer le télétravail. Du déjà vu, pas insurmontable ...
L’inflation : nous sommes frappés de plein fouet par la hausse des prix mondiaux de l’énergie et des matières premières qui creuse une large brèche dans le pouvoir d’achat et risque de perturber fortement la marche des entreprises industrielles.
Mais je me souviens des années 70 et de la crise des successifs chocs pétroliers. En France, la hausse des prix était supérieure à 10% l’an. Lorsque nous avons acheté notre appartement après la naissance de notre troisième fille (en 1978), nous avons emprunté au taux de 14%. Cependant, au bout de 5 années de remboursement, la charge financière fut grignotée par l’inflation, justement. Ce que chacun a oublié aujourd’hui.
Car l’entrée dans l’Euro dans les années 2000 – grâce à la grande vigilance de l’Allemagne que l’inflation galopante avait jetée dans les bras d’Hitler en 1933 – nous a conduit à une longue période de stabilité monétaire, que nous avions perçue comme éternelle … L’INSEE nous dit pourquoi :
De 2002 à 2016, les prix à la consommation ont augmenté de 1,4 % en moyenne par an. Cette inflation est inférieure à celle des quinze années précédentes (+ 2,1 % en moyenne entre 1986 et 2001). Pourtant, le passage à l’euro en 2002 a nettement accru la divergence entre la mesure de l’inflation et la perception qu’en ont les ménages. Cet écart s’explique en partie par le fait qu’ils sont plus sensibles à l’évolution des produits achetés fréquemment, dont ils se rappellent plus facilement le dernier prix valorisé en francs, une référence qui s’éloigne dans le temps au fil des ans. Or, si les prix de ces produits ont été revalorisés plus fortement lors du basculement vers de nouvelles grilles tarifaires psychologiques en euros, leur hausse depuis quinze ans n’est pas plus prononcée qu’au cours de la décennie précédant le passage à l’euro.
Aujourd’hui, en plus de la menace de guerre, nous nous fracassons sur le mur du dérèglement climatique : il aura fallu des milliers d’hectares de pins dévastés, des semaines de chaleur accablante pour dessiller les yeux des masses climatosceptiques. Il est bien tard alors que les scientifiques nous alertent depuis des décennies.
Courte vue, déni de réalités pourtant incontournables, incapacité à investir à long terme pour un avenir dont on ne récoltera pas personnellement les fruits : la classe politique (mais pas seulement) et les médias sont fautives, et surtout nous avons découragé, depuis plus de trente ans, une grande partie des citoyens et en particulier les jeunes de participer à la préservation de l’avenir. Difficile d’inverser ce courant.
Les jeux de pouvoir minables auxquels nous assistons médusés et écœurés pour une place à la tête de mouvements politiques dérisoires me désolent. Et ceux qui tentent d’agir de façon pragmatique sont systématiquement brocardés… Quel pays de râleurs inefficaces !!!