Les jours sombres, récit de Fey von Hassel

La tristesse n’est pas toujours compagne de la souffrance

La fortune n’apporte pas toujours la joie.

Goethe.

Imaginez une très belle jeune fille issue de la plus haute noblesse allemande. Son grand-père maternel était le grand amiral Alfred von Tirpitz, son père est l’ambassadeur d’Allemagne à Rome, très apprécié de Mussolini, Ulrich von Hassel, viscéralement opposé à Hitler. Fey tourbillonne entre fêtes costumées, concours hippiques, badinages avec de beaux italiens … Dès l’âge de 13 ans, elle commence à rassembler des notes.

Survient la guerre follement engagée par les nazis. Fey épouse Detalmo, descendant de la famille de Savorgnan de Brazza, le 9 janvier 1940. Ils ont deux merveilleux petits garçons Corrado et Roberto … Elle vit dans la magnifique propriété de famille de son mari, où le domaine lui permet de ne manquer de rien.

Le complot réunissant de hauts dignitaires de l’armée allemande – en particulier Claus von Stauffenberg - visant à supprimer Hitler pour écourter la guerre que l’Allemagne est en train de perdre échoue le 20 juillet 1944. Tous les protagonistes de cette tentative sont arrêtés et condamnés à mort. Le père de Fey est de ceux-là. Après un simulacre de procès, il est pendu.

Mais l’Italie cesse le combat et les Allemands l’envahissent. Non seulement les conjurés sont éliminés mais les membres de leur famille sont capturés, deviennent des « prisonniers de sang ». On les épargne, peut-être pourraient-ils servir de monnaie d’échange …

Fey est brutalement séparée de ses enfants et emprisonnée avec d’autres familles : frères, sœurs, enfants épouses d’opposants célèbres. Y compris d’anciens hommes d’Etat des pays envahis comme le chancelier d’Autriche Schuschsnigg et Léon Blum que sa femme a rejoint au camp de Buchenwald.

Entre septembre 1944 et mai 1945, ces prisonniers sont trimballés de camps de concentration – Stutthof, Buchenwald, Dachau - en prisons, dans des conditions dantesques, évacués par les SS devant la progression des troupes russes. Personne ne sait où se trouve Fey, en proie à toutes les maladies et souffrances de cet exode, et personne ne sait ce que sont devenus ses enfants.

C’est ce récit de la débâcle allemande sous les bombardements et au milieu des flots de réfugiés que Fey von Hassel raconte, retrouvant des correspondances, des carnets, se souvenant comment elle réussit à survivre, les rencontres qui l’ont marquée, comment sa mère déploie une énergie sans borne pour retrouver la trace de ses petits-fils placés dans un orphelinat …

Un témoignage exceptionnel de cette partie de la société allemande qui, opposée aux nazis, sauve l’honneur d’un peuple cultivé avec courage dans un pays en proie à la folie destructrice et à la dénonciation généralisée.

Les jours sombres, le destin exceptionnel d’une Allemande antinazie, récit de Fey von Hassel (1999 pour la traduction française), édition J’ai lu (Denoël), 415 p.