1917, film de guerre de Sam Mendès
C’est le film qu’il faut voir.
Une mise en scène fulgurante de l’absurdité de la guerre, une histoire d’hommes traités comme du bétail en un moment où les forces en présence doutent mais continuent à entretenir l’illusion mortifère – jusqu’à l’été 1918 – d’une offensive décisive.
Nous sommes le 6 avril, l'époque où fleurissent les cerisiers. On confie à deux soldats – un sergent et un caporal – une mission suicide : traverser les lignes et rejoindre une unité qui doit impérativement être stoppée dans son attaque, qui, en vérité, selon les observations aériennes, est un piège mortel. Blake et Scofield ont moins de 24 heures pour parcourir 14 kilomètres de no man’s land, au milieu des cadavres, des trous d’obus, de la boue, des réseaux inextricables de fils barbelés, des rats, des traînards …
Sam Mendes est avant tout un metteur en scène de théâtre. Et là, il nous livre tous les éléments de la tragédie classique : unité de temps, unité de lieu, unité d’action. Bien entendu, le chemin de ces deux braves est semé d’embûches, le suspens est total. Arriveront-ils à passer, parviendront-ils à délivrer leur message à temps, seront-ils pris au sérieux par la hiérarchie militaire, parfois avide de gloire ?
La musique de Thomas Newman les accompagne. Les décors sont particulièrement soignés. J’ai noté en particulier la différence de construction des tranchées, côté britannique avec des faisceaux de bois plus ou moins jointifs et côté allemand, où les murs sont bétonnés et les abris enterrés immenses.
En revanche, la scène de la rivière avec des rapides et des chutes, en pleine Picardie si plate, me semble tout à fait invraisemblable.
Le réalisateur a pris soin de confier les rôles principaux de cette terrible aventure à des comédiens peu connus, ce qui les rend crédibles, sans brouillage avec la notoriété d’un acteur célèbre. Dean-Charles Chapman incarne le sergent Blake et surtout George MacKay le caporal Scofield, superbe. On reconnaît à peine à leurs côtés Colin Firth dans le rôle du général Erinmore et Benedict Cumberbatch dans celui du colonel MacKenzie. De petits rôles, en fait.
Cette année 1917 fut tragique chez tous les belligérants. Plus de trois années d’une guerre dévastatrice, d’offensives aussi meurtrières qu’inutiles, la lassitude et le courage, l’abnégation et le découragement … Tout est là. Saleté de guerre, pas seulement celle-là mais toutes les guerres, même les plus contemporaines. Il n’existe pas de « guerre propre ». Le message de ce film est tout à fait clair.