Journal d'un observateur, par Alain Duhamel, de l'Institut
Nul n’ignore mon vif intérêt pour la politique, et mon attention jamais démentie pour ses acteurs et commentateurs.
Ma génération a connu bien des rebondissements, des décennies de crises quasiment ininterrompues depuis 1974, des alternances décevantes et stériles … c’est aussi la génération du triomphe de la télévision dans le débat politique (et aujourd'hui de l'ingérence des réseaux sociaux).
Aussi ai-je adoré parcourir avec Alain Duhamel son dernier livre intitulé « Journal d’un observateur ».
J’avais déjà beaucoup apprécié son histoire personnelle de la Vème République (2015) mais là, ce grand journaliste dresse le bilan de son éclatante carrière professionnelle comme analyste des courants d’opinion, intervieweur de toutes les figures politiques, animateur d’émissions télévisées passionnantes (pour ceux que la matière intéresse !) écrivain désormais devenu immortel puisque membre de l’Institut.
Il est né en 1940, nous sommes donc de la même génération à six années près. Il a suivi un cursus universitaire bien plus brillant que le mien qui fut fort court mais néanmoins marqué à jamais par la rigueur délicieuse des études à Sciences Po où il a enseigné. Il est marié depuis 1967 (comme moi !) à France (quel symbole !) et habite depuis longtemps sur le même trottoir que moi : il m’arrive de le croiser, toujours aussi élégant dans ses vêtements très british, tout empreint de la sobriété protestante. Bref, je suis fan et je ne m’en cache pas.
Voici donc un rapide mais très dense survol de dix élections présidentielles, des ses ténors et de ses victimes, des courants de pensée et des antagonismes, des « affaires » et des fiascos. Alain Duhamel s’est imposé comme le parfait animateur de débats permettant à tout un chacun, dans le confort de son salon, de se forger une conviction politique. Il ne l’a pas fait seul mais avec des complices auxquels il rend hommage, comme aux journalistes qui lui ont confié, dès 1960, de grandes responsabilités : Jacques Fauvet, Pierre Desgraupes, Philippe Labro, et ses acolytes radiophoniques et télévisuels : Jean-Pierre Elkabbach, Olivier Mazerolle, Michel Bassi, Jean-Michel Apathie, Etienne Mougeotte, Jean-Marie Colombani, Albert du Roy, François-Henri de Virieu, Marc-Olivier Fogiel, Michèle Cotta, Catherine Nay …
Un observateur attentif, s’efforçant de respecter la liberté d’expression et le pluralisme et aussi un travailleur acharné. Dans un style limpide, il délivre un jugement sans concession sur les forces et les faiblesses de ces hommes et ces femmes qui nous gouvernent. Il y apporte aussi la preuve qu’entre journalistes et politiques, la proximité n’est pas incompatible avec la distance. Il note avec lucidité qu’un bon candidat ne fait pas forcément un bon gouvernant et que l’inverse est tout aussi vrai.
Alain Duhamel fait partie de la cohorte des éclaireurs de la société française, mais sans tomber dans le déclinisme. « Jadis précoce, aujourd’hui attardé », ainsi se définit-il. Européen réformiste, attaché aux institutions de la Vème République, libéral en économie mais plus colbertiste que thatchérien, girondin plus que jacobin … modéré, en somme. Un positionnement dans lequel je me retrouve pleinement.
Ce livre ne fera pas que des heureux mais il se termine par une note d’espoir …
Journal d’un observateur, essai d’Alain Duhamel, de l’Institut, aux éditions de l’Observatoire, 330 p., 20€.