Au fil du siècle, à la galerie des Gobelins
La galerie des Gobelins – haut lieu du Mobilier National - célèbre un siècle de tapisseries réalisées par les lissiers virtuoses des manufactures des Gobelins, de Beauvais et de la Savonnerie.
C’est la dernière exposition que j’ai visitée à Paris avant de partir dans mes quartiers d’été, en ma qualité de fan de tout ce qui touche à la broderie et à l’art du fil …
Une rétrospective éclairante de ce que donne – de pire et de meilleur, paradoxalement – la commande publique, depuis Colbert …
Car la vogue des grands tableaux textiles qui ornèrent les murs des châteaux royaux a cédé le pas depuis bien longtemps face aux systèmes modernes de chauffage central … Cependant, le savoir-faire ancestral de ces artisans doit demeurer vivant ! C’est un peu la même problématique que celle de la manufacture de porcelaine de Sèvres, qui fait l’objet d’une polémique bien mal venue à présent.
L’exposition commence en 1918 avec un salon aux formes tout à fait conventionnelles : bergères, canapé … ce qui l’est moins en est le décor ; un canon, un avion, des roses enrubannées des trois couleurs … qui pouvait bien commander un tel mobilier après la victoire de 1918 si ce n’est une Administration ? Sans doute pas un particulier.
On continue dans la célébration des gloires de la France et de ses colonies. Des grands formats, des décors chaleureux et tout à fait exotiques. Ce qui frappe, c’est la richesse des nuances de laines et la précision de l‘exécution. On imagine la dextérité et la patience de ces hommes – avant la guerre – puis de ces femmes, penchés sur les métiers de haute ou de basse lisse.
On poursuit dans l’exaltation des événements politiques. Même pendant l’occupation de la France, on continue à faire travailler les Gobelins. Il est une pièce maîtresse qu’il ne faut pas manquer : cette image à la gloire du Maréchal Pétain, dressé sur son cheval blanc – réminiscence du défilé de 1918 – et sur fond de retour à la terre.
A côté, une immense pièce inachevée commandée par Goering pour son ermitage de Carinhall : un planisphère monumental des conquêtes du Reich nazi.
On reste en admiration devant les oeuvres des plus grands peintres ayant donné des cartons pour la réalisation de ces tapisseries. Anquetin, Denis, Serrière, Beaume, Cappiello – qui fournit l’affiche très enjouée de l’exposition – Bracquemond, Lurçat – très en vogue sous l’influence des communistes après la guerre de 39-45 – Gromaire, Matisse, Le Corbusier, Miro, Delaunay, Dufy, Derain, Hartung, Zao Wu-Ki, Vasarely, Bourgeois …
Un panorama de l’art en pleine mutation du XXème siècle, du plus kitsch au plus abstrait …
Une technique ancestrale qui s’adapte à l’ére moderne, mais pour combien de temps encore ?
Au fil du siècle (1918 – 2018), Chefs-d’œuvre de la Tapisserie à la manufacture des Gobelins (Paris 13ème) tous les jours sauf le lundi, 8 €.