L'été circulaire, polar de Marion Brunet
Un roman noir saisi sur la table de ma librairie désormais habituelle … Un petit format, mais de la littérature dense, sans effet de langage, qui prend aux tripes.
Ambiance « L’été meurtrier », le film de Jean Becker (1983), mais là, les filles sont deux sœurs, 15 et 16 ans.
L’aînée, Céline suscite partout où elle passe le désir des hommes, Johanna – Jo – est plus cérébrale. En réalité, c’est elle qui mène la danse. Une famille banale : Manuel en père alcoolique et violent, fils de réfugié espagnol et maçon, la mère employée à la cantine de l’école. Ils vivent en symbiose avec un autre couple de leur âge : Patrick, ami d’enfance et collègue de Manuel, Valérie, copine de Séverine … La France périphérique si bien décrite par Jérôme Fourquet, de la graine de Gilets jaunes …
Dans le cadre enchanteur de cette région bénie entre l’Isle-sur-la Sorgue, Cavaillon, Salins de Giraud, Avignon … une maison en carton-pâte dans un lotissement, mais dont on a du mal à payer les traites. Les filles vont au collège où elles s’ennuient, font les quatre cents coups avec les gars du coin, en mobylette.
Mais voilà, Céline « tombe » enceinte, refuse de dire qui est le père. Manuel est fou de rage, il pense à quelqu’un en particulier, qui tourne un peu trop autour de ses filles, Saïd, avec lequel cependant, il ne rechigne pas à faire de menus trafics.
Le feu couve sous la cendre. Le déshonneur familial, l’alcool, le sentiment d’une assignation au malheur, la malédiction des filles et aussi leurs désirs inassouvis, la proximité de ces riches bourgeois dans leurs résidences avec piscines, vides la plus grande partie de l’année, les bagnoles et les fringues de luxe …
Une description sans complaisance d’une strate de la société que personne ne veut voir. C’est cru, réaliste, bien écrit, désespérant, lucide.
L’été circulaire, roman policier de Marion Brunet, édité chez Albin Michel en 2018 et ici en Livre de poche, 248 p., 7,40€