Le Silence et la colère, roman de Pierre Lemaitre

Deuxième volet de la nouvelle trilogie « Les années glorieuses » qui raconte l’histoire de la famille Pelletier dans les années cinquante.

Une intrigue dont il n’est pas totalement nécessaire de lire le premier épisode, mais où l’on retrouve les personnages du premier opus dans toute leur cruelle vérité.

Mais d’abord, je ne puis m’empêcher de redire de Pierre Lemaitre : quel talent de conteur !!!

Cette chronique des débuts de la croissance économique française, de ses nécessaires grands investissements, avec l’essor de la presse populaire, la distribution de masse, la répression de l’avortement et surtout, les débuts de la lutte des femmes pour leur autonomie est incandescente.

C’est ici l’ambiance de mon enfance que je retrouve : l’inondation d’une vallée pour faire fonctionner un barrage – ici le modèle est celui du Chevril près de Tignes sur les gorges de l’Isère - le nouveau mode de distribution à très bas prix comme Tati créé en 1948, la place des faits divers qui fait référence à France-Soir que ma mère lisait chaque jour, l’émergence de la presse féminine avec ELLE, les procès spectaculaires contre des jeunes femmes ayant eu recours à l’avortement.

Dans « Au-revoir là-haut », couronné par le prix Goncourt en 2013, le rôle du salopard absolu était tenu par le lieutenant d’Aulnay-Pradelle. Dans « Le grand monde », c’est Geneviève, l’épouse hystérique de Jean qui le tenait. Elle reste égale à elle-même dans cette nouvelle histoire, enceinte jusqu'aux dents et encore plus maléfique.

On retrouve donc les personnages de cette famille qui a fait fortune dans l’entre-deux guerres dans la fabrication de savons à Beyrouth, sous la houlette des parents, avec le patriarche Louis – passionné de boxe - et Angèle, belle-mère bien compréhensive.

En 1952, les trois enfants du couple vivent à Paris. Jean, l’aîné – soumis à sa femme-dragon, aboulique et veule, se lance dans une nouvelle formule hors norme de commerce de textiles. Son seul côté positif est son amour pour sa fillette Colette, maltraitée par sa mère. Et puis il a toujours une manière très particulière de surmonter ses échecs successifs …

Son frère François est journaliste chargé des faits divers, plutôt sympathique. Il est amoureux de Nine, une jeune femme mystérieuse, à la fois sourde, alcoolique et à l’occasion kleptomane.

Il y a enfin Hélène, d’abord photographe pigiste entrée au journal grâce à son frère, et qui va réaliser des reportages particulièrement appréciés, d’abord sous pseudonyme masculin ( !) puis sous son nom propre. Elle couche avec le grand patron et ne tarde pas à se retrouver enceinte, problème majeur de toutes les jeunes femmes de l’époque avec le « relâchement » progressif des mœurs. Sans oublier son chat Joseph ...

De son écriture soyeuse, Pierre Lemaitre nous entraîne avec sa rage habituelle et son regard acéré sur les tares de notre société, dans le tourbillon intriqué de ces personnages complexes, avec des rebondissements dignes des feuilletons du XIXème siècle. Et on en redemande.

Pour ma part, j’ai dévoré les 580 pages en moins de 48 heures … et maintenant, il va me falloir attendre jusqu’à l’année prochaine pour connaître la suite de cette saga qui ressemble terriblement à une série télévisée à succès.

Le silence et la colère, roman de Pierre Lemaitre, chez Calmann-Levy, 585 p., 23,90€

Comments

[Binchy]

Une excellente chronique Marie-Pierre ! Je le lis bientôt. Il est en haut de ma PAL.

Je te souhaite une douce semaine, très bonne continuation dans tes lectures.

Je t'embrasse.

Bernadette.

[Chartres]

Je ne savais pas que lire... Maintenant je sais, grâce à vous !

[Sylvie]

Pierre Lemaitre était l'invité de La Grande Librairie ce mercredi. Une Grande Librairie particulièrement intéressante, avec l'historienne Michelle Perrot, Aurélien Bellanger et Philippe Claudel.

Bonne journée Bigmammy.

[Helga]

Je suis heureuse de vous lire, chère Marie Pierre. Merci pour votre avis, je dois attendre qu’il soit publié en français, pour moi, il est plus facile à lire. Bonne dimanche.