Berlin, année zéro, par Giles Milton

Si vous voulez comprendre ce qui se passe à la frontière russo-ukrainienne en ce moment, lisez cet ouvrage passionnant. Il retrace jour par jour les relations entre les Alliés qui viennent de conclure la capitulation sans conditions avec l’Allemagne le 7 mai 1945 jusqu’à la cessation du blocus de Berlin au printemps 1949.

Comment l’Allemagne, après les conférences de Yalta, Téhéran et Postdam a été divisée en trois puis quatre secteurs d’occupation et comment Berlin, ville enclavée à 180 km de la frontière entre les zones occidentales et soviétique, est la cible d’un grignotement incessant des Russes qui n’ont qu’un seul objectif : conquérir toute l’Allemagne de l’Est comme ils ont installé des gouvernements fantoches dans les autres pays placés sous leur souveraineté.

Comment les troupes soviétiques, arrivées à Berlin quelques semaines avant les Américains, ont systématiquement pillé, violé, démonté, tout ce qu’ils ont pu atteindre dans le secteur dévolu aux Américains avant leur arrivée, quitte à laisser rouiller et pourrir leur butin faute de transports pour les expédier à l’est.

Comment la ville est totalement détruite non seulement par les bombardements alliés mais par cette politique de destruction systématique, comment la population prise au piège vis au milieu des décombres et des cadavres en décomposition, en prise avec la criminalité et le marché noir.

Après avoir lu les romans de Philip Kerr, Harald Gilbers, Cay Rademacher, on s’en était fait une juste idée. Mais là, nous sommes au cœur des négociations entre forces occidentales, qui craignent au départ de provoquer un nouveau conflit avec les soviétiques et la mauvaise foi pyramidale des soviétiques, leurs mensonges permanents, leurs reniements de la parole donnée et des traités conclus.

C’est effectivement entre les ex-alliés, le début de la guerre froide qui trouvera un point très chaud avec la décision des soviétiques de couper toute ligne d’approvisionnement au secteur ouest de Berlin pour forcer les occidentaux à déguerpir. 2,4 millions de Berlinois sont en état de siège. Plus d’électricité, plus d’eau potable, plus de charbon, plus de nourriture, plus de médicaments.

Et alors surgissent des héros de la logistique et du transport aérien qui vont relever le défi technologique et humain de ravitailler cette ville par un pont aérien auquel personne ne croit au début. Extraordinaire performance qui va durer 11 mois et forcer à rompre l’étau russe au printemps 1949 sous la menace implicite d’une attaque nucléaire américaine.

Fondé sur l’étude de rapports et de témoignages souvent inédits, Giles Milton, historien et journaliste britannique habitant en Bourgogne, livre ici un document haletant. Une seule citation, extraite du « long télégramme » envoyé au Président Truman par le diplomate clairvoyant George Keenan peu de temps avant le célèbre discours de Winston Churchill sur « le rideau de fer » :

« La vision paranoïaque qu’a le Kremlin de la situation mondiale est causée par le sentiment d’insécurité atavique et instinctif. Cette insécurité se manifeste par des efforts patients mais mortellement dangereux visant à la destruction totale des puissances rivales. »

Rien n’a changé aujourd’hui ….

Berlin, année zéro, la première bataille de la guerre froide, par Giles Milton, traduit de l’anglais par Florence Hertz, aux éditions Noir et Blanc. 443 p., 24€

Comments

[Jauneyris]

Effectivement rien à changé aujourd’hui ce qui nous fait craindre le pire, car la Russie n’est pas seule, la Chine, le Moyen Orient, l’Afrique, l’Inde sont des « amis » de Poutine, que pèse l’Occident ?

Agréable soirée