Ma mini-collection de Netzukés ...
J'ai toujours eu une passion pour le Japon ...
Elle me vient d'une courte période de ma vie professionnelle - les trois derniers mois de 1969 - où j'ai secondé un ami de mes parents, déjà très âgé et qui relevait à peine d'une tuberuculose comme moi quelques semaines auparavant.
Léon Lévin, russe blanc natif de Harbin (ville industrielle importante de la Mandchourie) s'était réfugié en France dans les années 20. Il avait monté rue Le Peletier une affaire de vente en gros d'antiquités asiatiques, et importait des merveilles de Chine et naturellement aussi du Japon. Il m'avait proposé de me former à ce négoce, mais j'ai bien vite conclu que je serais incapable de tenir la distance, d'autant plus qu'il recouvrait rapidement la santé.
J'ai donc passé un trimestre au milieu des porcelaines anciennes, statuettes de pierres dures, panneaux en laque de Coromandel, accessoires d'écriture, peintures, objets ciselés en ivoire de morse ou d'éléphant, et je me suis prise de passion pour la culture extrème-orientale.
En particulier, j'ai conservé ces six netzukés que Léon m'avait offerts, ces petites sculptures d'ivoire aux formes arrondies qui servent à bloquer les accessoires autour de la ceinture des kimonos.
Le costume traditionnel japonais ne comporte en effet aucune poche. Si les dames disposent de larges et longues manches pour y glisser ce que nous mettons dans un sac à main, les kimonos masculins ont des manches béantes. Ils accrochent donc leurs objets usuels autour de leur ceinture - l'obi - à l'aide de cordelettes, et le netzuké leur sert de taquet.
Ces petites sculptures proviennent vraisemblablement de Chine à l'origine. On en trouve trace certaine dès l'époque Kamakura (1185 - 1333), mais leur âge d'or se situe entre la fin du XVII ème et la première moitié du XIXème siècle.
A partir de la période Meiji, la mode des costumes occidentaux les rend moins utiles, sauf lors de cérémonies où on porte le kimono traditionnel. Cependant, les collectionneurs occidentaux sont très friands de ces ravissantes pièces, produites aussi pour l'exportation.
D'abord sculptés en bois, en corne de cerf, en porcelaine, l'usage de l'ivoire (importée de Corée ou de Chine) se généralise au XVIIIème siècle. Il faut environ 2 à 3 mois à un artisan pour terminer chaque pièce, dont la taille varie entre 3 et 8 cm. Les représentations les plus classiques sont des figures humaines et des animaux, toujours en ronde bosse afin de ne pas blesser le porteur ou griffer l'étoffe du vêtement.
Cela donne des formes très sympathiques, avec souvent un ventre rebondi, et toujours sur la face la moins voyante, les deux trous permettant de passer la cordelette d'attache.
Il n'est nul besoin d'objets de grande taille pour apprécier cet art de la sculpture sur ivoire ... et un de mes regrets est de n'avoir jamais pu visiter le Japon.