Tuer Pétain, polar historique de Pascal Chabaud
Ce n’est sans doute pas un hasard si la préface de ce deuxième roman de Pascal Chabaud émane de Bénédicte Vergez-Chaignon, collaboratrice de Daniel Cordier. Car on se retrouve immédiatement plongé dans « Alias Caracalla ».
Au-delà de l’atmosphère délétère de cet hiver 41, c’est toute la dramaturgie de la France de Vichy qui étreint le lecteur. J’avais beaucoup apprécié la première enquête de Joseph Dumont, ce jeune inspecteur de police affilié à un réseau de résistance et naturellement en butte au sinistre policier Fernand Brouyard – dit « l’épais brouillard » - 1,65 m et 120 kilos, antisémite notoire et facsiste.
En ces temps de disette alimentaire et d’humiliations répétées de la part de la puissance occupante, les attitudes se crispent : les uns et les autres ont choisi leur camp, alors que le gouvernement du Maréchal – Darlan, Pucheu … - cherche à négocier des accommodements ou des compensations aux cruelles conditions de l’armistice. Sans aucun succès.
C’est le temps des trahisons, des délations, des règlements de compte. La première enquête de Joseph Dumont concerne l’assassinat de Gaston Tournayre, découvert par son épouse dans sa pharmacie. Un fieffé salopard dont la liste des tueurs potentiels est particulièrement fournie. Cependant, les constatations montrent qu’il n’a pas été tué sur place … et qu’il s’est rendu récemment à La Garde, le village où les parents de Joseph exploitent des vignes.
Autre préoccupation pour Joseph : la recherche de Jonas, le chef d’un réseau d’évasion de Juifs vers la Suisse, autour duquel le filet de la police se resserre. Et, par-dessus le marché, un tireur particulièrement habile vient de tenter d’abattre le Maréchal Pétain. Seul un heureux hasard a sauvé la mise au chef de l’Etat, mais l’assassin s’est envolé. Le paradoxe est que Joseph, très opposé à Pétain, est chargé de retrouver son assassin avant qu'il ne récidive car la disparition du Maréchal précipiterait la nomination d'un Gauleiter en France.
Plus encore que le déroulement simultané de plusieurs intrigues, c’est l’ambiance de l’époque qui étreint le lecteur : à qui se fier, comment éviter les imprudences qui peuvent s’avérer fatales, la cruauté des interrogatoires, le courage absolu qui conduit au sacrifice, le rôle des femmes … Entre Clermont-Ferrand et Lyon, au cœur de cette zone non encore occupée, une France fracturée entre camps irréconciliables : les gaullistes, communistes et collabos, le triste résultat d’une guerre perdue et d’une résistance à l’ennemi encore mal organisée.
Un roman aussi passionnant que tragique. J’attends la suite, à paraître, comme je l’espère, dans moins de trois ans cette fois.
Tuer Pétain, polar historique de Pascal Chabaud, éditions Signe, 260 p., 20€.