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Journal de bord d'une grand-mère grande lectrice et avide de continuer à apprendre, de ses trois filles et de ses 7 petits-enfants.
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11 juin 2021

L'Empire islamique - 7ème - 11ème siècle - par Gabriel Martinez-Gros

empire islamique

Que savons-nous de l’Empire islamique, à part que sa progression à l’ouest fut interrompue en 732 près de Poitiers ?

On nous a abreuvés pendant nos études de l'hégémonie romaine ... Mais rien ou presque sur cet immense empire étendu des confins de la Chine au sud de l'Espagne.

Voici un livre bref, mais captivant et d'accès facile, fondé sur les écrits de l’immense philosophe, juriste et historien arabe du 14ème siècle Ibn Khaldûn.

Il faut s’accrocher - c’est un travail d’universitaire - qui nous apprend à regarder l’histoire sous un autre angle, comme le faisait ce grand intellectuel, plus proche de la sociologie que de la chronologie.

J’emprunte à la présentation d’un autre ouvrage de Gabriel Martinez-Gros (né en 1950), professeur d’histoire du monde musulman à l’Université de Nanterre (Brève histoire des empires) ces lignes qui s’appliquent parfaitement à celui-ci :

« Cette lecture audacieuse, qui place en son coeur les questions de la violence et de la paix, qui oppose le centre pacifique de l'empire et ses marges violentes, est inspirée de la pensée d'un grand théoricien de l'Etat et de l'Islam médiéval qui vécut au XIVe siècle, Ibn Khaldûn. Cette pensée universelle, d'une portée équivalente à celle de Marx ou de Tocqueville, l'une des seules sans doute qui ne soit pas née en Occident, est plus qu'un fil rouge ».

Ibn Khaldûn, né à Tunis en 1332 et mort au Caire en 1406, est l’auteur d’une Histoire universelle en sept volumes dont la thèse centrale est l’opposition entre sédentaires et bédouins, les premiers sous contrôle de l’Etat et soumis à l’impôt et les autres hors de contrôle. Car selon Ibn Khaldûn, l’Etat est d’abord caractérisé par sa fonction fiscale. Par définition, le cercle dirigeant est issu du monde des tribus bédouines. Il est étranger aux populations sédentaires qu’il domine et exploite. Mais devenu roi, le chef tribal désarme sa propre tribu devenue obstacle à la perception de l’impôt … ce qui lui permet de payer des mercenaires extérieurs - donc des marges - pour se défendre ou entreprendre de nouvelles conquêtes, nécessaires à l’accroissement de ses revenus.

C’est une grille de lecture qui s’applique aussi à Alexandre le Grand … qualifié d’envahisseur « bédouin ». Une autre perception de l'Empire islamique, où les dynasties se consolident dans la première génération de leur existence, atteignent leur floraison dans la deuxième, vieillissent et agonisent dans la dernière, avant d’être renversées par un nouveau chef, inaugurant un nouveau cycle. Autant de "vies " : la première est celle des Arabes (660 - 780), dans la deuxième vie (780 - 900), le califat se sépare de la guerre et de la religion, la troisième (900 - 1020) voit l'essor de l'Occident musulman, la quatrième (1020 - 1100) est celle des peuples nouveaux.

Selon Ibn Khaldûn, la violence vient des marges, les tribus bédouines entrent dans l’histoire lorsqu’elles prennent possession d’un territoire sédentaire. Mais l’arrêt des conquêtes se traduit par un retour de la violence au centre de l’Empire après les échecs devant Constantinople et Poitiers. Au 11ème siècle, avec la séparation entre sultanat et califat, donc entre le politique et le religieux, le fossé se creuse et se double de divergences ethniques (Arabes/Persans versus Turcs) et culturelles : les Seldjoukides choisissent le persan comme langue d’Etat mais la pratique du droit et de la foi maintient l’arabe.

Enfin aussi, une explication argumentée des différences entre sunnisme et chiisme, au-delà de la rivalité entre les deux branches de la famille du Prophète.

Après la mort du Prophète, rivalités, guerres civiles, assassinats, massacres, califats opposés, retraits d’allégeances, hégémonie turque et berbère, expansion franque, ravages de la peste : la période racontée par Ibn Khaldûn est particulièrement mouvementée.

Au-delà de l’histoire des différentes dynasties qui se succèdent et s’affrontent, on évoque naturellement le parallèle avec ce que nous observons aujourd’hui dans les tentatives de prise de contrôle par des groupes armés extérieurs de villes sédentaires et même d'états représentant une masse fiscale importante.

 « L’Histoire ne se répète pas, elle bégaie », a-t-on fait dire à un certain Marx.

 

L’Empire islamique – VIIème – XIème siècle, par Gabriel Martinez-Gros, édition Points Histoire, 390 p., 10€

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