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Journal de bord d'une grand-mère grande lectrice et avide de continuer à apprendre, de ses trois filles et de ses 7 petits-enfants.
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15 avril 2019

Histoire de la Prusse, par Jean-Paul Bled

Prusse Bled

Privilège de la retraite : avoir le loisir de lire tout ce que la vie active nous a privé d’étudier faute de temps …

Moi qui suis passionnée d’histoire mais qui n’ai pas poursuivi mes études dans cette voie, je rattrape le temps perdu. Je continue donc à tirer le fil de l’histoire de l’Europe orientale, un domaine où j’avoue ne m’être que rarement aventurée … Et pourtant, c’est essentiel pour comprendre aujourd’hui comment nos voisins de l’Est – Allemands, Tchèques, Hongrois, Polonais, Autrichiens … se comportent.

J’ai donc commencé par le Congrès de Vienne, puis l’histoire de l’Empire des Habsbourg et naturellement enchaîné par cette histoire de la Prusse. Au regard de l’évolution des relations entre la France jacobine et l'Allemagne fédérale réunifiée, c’est un voyage dans le temps passionnant.

D’abord, je souligne la qualité du style de Jean-Paul Bled : l’enfant qu’il fut a pleinement bénéficié de la science de ses deux parents, auteurs du célébrissime manuel de grammaire que nous avons tous eu à l’école : le « Bled » … Chapitres courts, narration fluide, abondance de cartes – un avantage indéniable, trop rare pour ne pas être souligné – une monographie sans parti pris qui remet bien des pendules à l’heure.

L’auteur bouscule en effet bien des idées reçues sur l’esprit prussien et ce qu’il en reste. D’une bataille de Tannenberg à l’autre – en juillet 1410, les Chevaliers Teutoniques sont vaincus par l’armée de Ladislas II, en août 1914, les Allemands écrasent l’armée russe – et au milieu, une bataille décisive – 1866, Sadowa – où la Prusse exclut l’Autriche du corps germanique, nous assistons à la patiente construction d’un ensemble de territoires autour d’une dynastie – les Hohenzollern – et d’un pouvoir fort.

Fort, centralisateur, sous l’égide de souverains à poigne comme le Grand Frédéric, mais aussi tolérant. Selon lui, le principe de tolérance ne se divise pas et doit donc également bénéficier à l’erreur. Il n’appartient pas au monarque de dicter une vérité officielle dans le domaine des croyances. C’est ainsi que cohabiteront, au fur et à mesure de la croissance de l’Etat prussien, les protestants surtout calvinistes, imprégnés de piétisme, puis les catholiques des possessions du sud de l’Allemagne. Une indulgence que le souverain appliquera aux Jésuites, mais pas aux Juifs …

Dans cette mosaïque de peuples assemblés, le seul lien commun est la langue. Encore que, pour Frédéric II qui s’exprime en français, l’allemand soit une langue « demi-sauvage ». A son époque encore partagée en de multiples dialectes, elle ne serait pas encore entrée dans un processus de clarification et d’unification. Ce sera chose faite avec l’avènement du romantisme qui prendra la place de l’esprit des Lumières (Aufklärung) avec le « Sturm und Drang ».

La rivalité séculaire entre l’Autriche et la Prusse est la cause d’une série de conflits à rebondissements. On reste effaré devant ces échanges de populations, partages, allers et retours, mouvements d’immigration sollicités pour repeupler des régions dévastées par les guerres et les famines. C’est l’union contre les principes de la Révolution française qui va provoquer les coalitions qui chasseront Napoléon de l’Europe germanique … mais les idées semées germeront bientôt.

Certes, la Prusse, construction politique, est l’œuvre d’une dynastie au service d’un Etat appuyé sur deux piliers : l’administration et l’armée. Mais la dispersion des provinces en constitue la fragilité qui nécessite le rassemblement autour d’un Etat fort et d’une armée capable de le protéger. Il faut noter toutefois que même si la Prusse est un Etat militaire dotée d’une armée disproportionnée, la caste des officiers se soumet au pouvoir politique. Bismarck ne se laissera jamais dicter ses décisions politiques ou diplomatiques par les militaires … Hélas, ce ne fut pas le cas de Guillaume II devant le Grand Etat-Major et on en vit le résultat pendant la Grande Guerre.

Enfin, Jean-Paul Bled dénonce l’opinion trop souvent exprimée d’une Prusse « mauvais génie » de l’Allemagne et portant en elle les germes du nazisme … La diabolisation de la Prusse, comme tout procès en sorcellerie, trouve son terme avec la réunification allemande de 1989 …

 

Histoire de la Prusse, par Jean-Paul Bled (2014), édité chez Fayard, 482 p., 27€

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