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Journal de bord d'une grand-mère grande lectrice et avide de continuer à apprendre, de ses trois filles et de ses 7 petits-enfants.
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27 février 2018

Le ministère du bonheur suprême, roman d'Arundhati Roy

Le-ministere-du-bonheur-supreme

Arundhati Roy

Vingt ans après un premier roman qui lui apporta le succès, Arundhati Roy revient avec une fresque foisonnante, un brulot politique cruel et lucide sur les dérives de la société indienne, empêtrée dans le communautarisme, l’exacerbation religieuse et la polarisation sociale. Voici donc une œuvre confuse et complexe, foisonnante de digressions, un roman-fleuve aux multiples ramifications, luxuriant et poétique, gracieux et pervers.

J’ai conservé de deux séjours trop courts en Inde assez de souvenirs de couleurs, de bruits et d’odeurs pour me retrouver sans aucun dépaysement dans les venelles de Delhi, au milieu des autoponts où divaguent les vaches, les singes et divers animaux équarisseurs. Les allusions à la politique actuelle du gouvernement indien me sont vaguement familières, mais je doute qu’elles « parlent » à une majorité de lecteurs européens, tant la vie politique de cette grande démocratie asiatique peut nous déconcerter. Je recommande donc aux candidats à la lecture de ce livre de se documenter au préalable.

Le roman s’enroule autour de plusieurs destins, qui finissent tous par se retrouver en un lieu unique - à plus d'un titre. Il ouvre sur la biographie d’Anjum, homme-femme qui appartient à cette caste particulière des Hijra, à la fois craintes et appréciées, rejetées par leur famille mais très présentes dans la société indienne traditionnelle.

Le personnage central est Tilottama, jeune femme à la peau sombre – une particularité peu appréciée en Inde où les Brahmanes de la caste supérieure ont le teint très clair – originaire du Kerala, jeune architecte. Son destin donne sa trame au roman, avec ses compagnons d’université, tous amoureux d’elle : Musa, le militant de la cause cachemirie, Naga, le journaliste célèbre, et le narrateur, devenu diplomate et membre des services spéciaux, qui devait tenir le rôle de Garson Hobart dans la pièce que les quatre étudiants devaient jouer et dont la représentation n’eut jamais lieu.

Leurs chemins se croisent au gré de leurs carrières et engagements politiques. Le conflit du Cachemire est la plaie toujours saignante depuis la partition de 1947 entre l’Inde de plus en plus indouiste et le Pakistan, gagné par le fondamentalisme musulman. La province himalayenne aux paysages idylliques, château d’eau commandant les sources de l’Indus, compte 85% de musulmans mais fait l’objet d’un contentieux entre les deux pays, soutenus par les Grands, dans un conflit qui risque de déboucher sur une guerre nucléaire. La description des exactions de l’armée indienne d’occupation (ainsi qu’elle est perçue par les cachemiris), ou du moins par l’un de ses membres, le sinistre Amrick Singh, suité de son adjointe tortionnaire ACP Pinky, fait froid dans le dos.

De temps en temps, on bifurque sur une histoire personnelle étonnante, sans rapport avec le récit principal. Il faut s’accrocher. Mais c’est aussi un des charmes  de ce roman fourre-tout qui veut tout aborder, une gageure tant l’Inde est multiple, éternelle, immuable et changeante.

 

Le ministère du bonheur suprême, roman d’Arundhati Roy traduit de l‘anglais par Irène Margit, édité chez Gallimard, 536 p., 24,€

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