En mémoire du 6 février 1934
Pourquoi célébrer le 76ème anniversaire de cette triste journée, me direz-vous ?
Pourquoi pas !
En référence avec l'ambiance délétère qui règne en ces temps de campagne électorale, pour se souvenir qu'à une époque où l'internet n'existait pas, mais où les journaux n'hésitaient devant aucune provocation verbale ni caricature raciste d'une violence inouïe, où les ligues d'extrême-droite tenaient le haut du pavé alors justement qu'Hitler venait de prendre démocratiquement le pouvoir dans un pays réputé pour son son sérieux....
En souvenir aussi du brave Colonel de La Rocque, qui, s'il ne choisit pas De Gaulle tenta en vain de convaincre le Maréchal de gagner l'Afrique du nord, monta le réseau de résistance Klan en liaison avec les Anglais, fut arrêté et déporté....
En 1934, mon père avait 24 ans et était proche des Croix de Feu. S'il n'avait pas été au Maroc, nul doute qu'il se serait trouvé place de la Concorde pour scander, coude à coude, "A bas les voleurs !" et de bonne foi...
Mais, comme personne ne rappelle le déroulement de ces journées d'émeute, revenons un peu en arrière :
" Le
6 février 1934, Édouard Daladier présente à la Chambre des députés son nouveau
gouvernement. C'est le prétexte à une violente manifestation antiparlementaire.
Le changement de gouvernement fait suite à la découverte, un mois plus tôt, du
cadavre d'un escroc, Stavisky. L'opinion publique soupçonne - à tort - les
ministres et les députés d'avoir trempé dans ses combines. Sa méfiance est
exacerbée par l'annonce de la mutation du préfet de police Chiappe, suspect de
mansuétude à l'égard des «ligues».
Depuis le 9 janvier, treize manifestations ont eu lieu à Paris. Tandis que la
droite tente d’utiliser l’affaire Stavisky pour remplacer la majorité issue des
élections de 1932, remportées par le Cartel des gauches, l’extrême-droite
exploite ses thèmes traditionnels : antisémitisme, xénophobie, hostilité à
la franc-maçonnerie, antiparlementarisme.
Pour
la gauche, le déplacement de Chiappe est lié à son implication dans l’affaire
Stavisky, tandis que la droite dénonce le résultat d’un marchandage avec les
socialistes : départ de Chiappe contre soutien au nouveau gouvernement.
Parmi
les principales ligues fascisantes présentes le 6 février, la plus ancienne est
l’Action française. Fondée à la fin du siècle notamment par Charles Maurras (60 000
membres), elle a pour but de renverser la République et de restaurer la
monarchie. Elle s’appuie sur les Camelots du Roi, qui, malgré des effectifs
assez limités, sont très actifs dans la rue. De fondation plus récente (1924),
les Jeunesses patriotes, comptent 90 000 membres dont 1500 font partie des« groupes
mobiles ». Créées par Pierre Taittinger, député de Paris, elles
entretiennent des rapports étroits avec des hommes politiques de droite, et
comptent dans leurs rangs plusieurs conseillers municipaux de la capitale.
Quant à la Solidarité française, fondée en 1933 par le parfumeur François Coty,
elle est dépourvue d’objectif politique précis et ses effectifs sont moins
élevés.
Les
Croix-de-feu, association d’anciens combattants, ont élargi leur recrutement à
d’autres catégories sous l’impulsion de leur chef, le colonel François de la Rocque. Les
Croix-de-feu s’apparentent à une ligue, la première en nombre d’adhérents.
Elles aussi sont dotées de groupes de combat et de défense. La Fédération des
contribuables, dont les dirigeants ont des objectifs politiques proches de ceux
des ligues, appelle à manifester dès le mois de janvier.
Les
ligues de droite et d’anciens combattants appellent donc à manifester le jour de l'investiture d’Edouard Daladier, place de la Concorde, en face
de la Chambre des députés. Au total 30 000 manifestants dont une bonne
majorité d'anciens combattants. Ils crient : « À
bas les voleurs ! » et réclament davantage de civisme, d'honnêteté. À
l'appel du colonel de La Rocque, les Croix-de-feu se dispersent rapidement.
Bien que proches du Palais-Bourbon, siège de la Chambre des députés, ils se
refusent à occuper celui-ci. Leur dispersion rend vaine toute possibilité de
renverser le régime par la force.
Dans
un premier temps, le président du Conseil Édouard Daladier, porté au pouvoir
par la majorité socialiste et radicale élue en 1932, doit céder la place à
l'ancien président de la République Gaston Doumergue. Dans le nouveau
gouvernement entrent Édouard Herriot et les chefs de la droite battus deux ans
plus tôt, dont André Tardieu.
Dans
la nuit, Daladier prend les premières mesures pour obtenir le rétablissement de
l’ordre public (il envisage notamment d'instaurer l'état de siège). Mais le
lendemain, ses consignes sont peu suivies par la justice et la police. De plus,
il enregistre la défection de la plupart de ses ministres et de son parti. Il
se résout finalement à démissionner. C’est la première fois qu’un gouvernement
doit démissionner sous la pression de la rue. La crise se résout finalement
avec la formation d’un nouveau gouvernement sous la présidence de l'ancien
président de la République Gaston Doumergue rappelé par Albert Lebrun, ce dont
les ligues semblent se contenter. Qualifié de gouvernement d’«union nationale»,
il regroupe surtout les principales figures de la droite parlementaire (André
Tardieu, Louis Barthou, Louis Marin), même si plusieurs radicaux ou le maréchal
Pétain en font également partie.
La
gauche interprète les événements du 6 février comme la preuve d’un complot fasciste.
Les socialistes et les communistes contre-manifestent le 7 février. Les
incidents qui les opposent aux forces de l'ordre font neuf
victimes. Le 12 février, la CGT (socialiste) et la CGTU (communiste)
décident d’une journée de grève générale et la SFIO et le Parti communiste
appellent à une manifestation parisienne qui n’a pas vocation à être commune
mais voit pourtant les deux cortèges se mêler à l’initiative de la base. Cette
journée marque donc un premier et timide rapprochement entre socialistes et
communistes. Elle porte en germe l’union antifasciste entre les deux partis
marxistes, ennemis depuis 1920, qui a abouti en 1936 au gouvernement de Front
populaire, composé de radicaux et de socialistes avec le soutien communiste."