De Byzance à Istanbul, un port pour deux continents
Carrefour maritime et site portuaire exceptionnel, lieu de passage éminent des peuples entre deux continents, place commerciale, politique, économique et religieuse, Istamboul représente à elle seule un monde de richesses, de traditions, d'art et de savoir.
L'exposition organisée dans le cadre de l'année de la Turquie jusqu'au 25 janvier aux Galeries du grand Palais (RMN) montre l'évolution de la cité tel un continuum de progrès et d'ouverture sur le monde (européen), du néolithique à l'ère moderne.
Les 300 pièces, qui proviennent des collections publiques françaises et turques, sont magnifiquement présentées, mais d'une part elles sont là pour délivrer un message, d'autre part, elles ne montrent pas tout.
Le survol est rapide : on nous conduit par le regard de la colonie fondée par les grecs de Mégare à la capitale du premier empereur romain ayant choisi le christianisme, puis de la ville conquise par Mehmet II en 1453 à la vitrine de la puissance de la Sublime Porte et ses relations suivies avec les grandes puissances occidentales, prolongées par Mustapha Kemal après la fondation de la République turque, laïque, en 1923.
Ainsi que le déclare la Commissaire de l'exposition Nazan Olçer : "Comme dans toute exposition, il y a un message. L'histoire de l'Europe ne peut se concevoir sans l'histoire d'Istanbul." Le propos est clair et, en effet, la Turquie a tout intérêt à donner une image actualisée et objectivement forte de ses traditions (de tolérance en particulier), de son art, de ses richesses humaines et culturelles.
Certes, et dans toute présentation d'oeuvres ou d'objets, il faut faire des choix. On ne verra ici que peu d'icônes, l'art byzantin si caractéristique des fresques et mosaïques des coupoles est présenté en parallèle avec l'art islamique. J'aurais pourtant bien aimé une représentation plus nourrie de mosaïques comme celles qui ornent l'église de Saint Sauveur in Chora, merveille des merveilles....
Mais qui a bâti la Mosquée Bleue ? C'était tout de même bien après la basilique Sainte Sophie, non ? Mais, point de querelles ...byzantines. L'exposition vaut la visite : j'ai eu plaisir à revoir les trésors de Topkapi, les caftans, les broches de turban, les faiyences d'Iznik, les objets de la vie quotidienne, les peintures d'intérieur, le portrait de Bellini, mais aussi de splendides statues de marbre de l'époque romaine, le visage de Constantin, les stèles sassanides représentant des griffons affrontés.
Une évocation lyrique en dernière salle : en creusant pour la station de métro Yenikapi, là où se trouvait le port de Théodose, les fouilles ont révélé les vestiges de barques et d'amphores : milliers de tessons entre deux continents, là où bientôt les hommes et les femmes traverseront le Bosphore.
Et puis, si cela donne envie à certains de se rendre sur place, ils ne le regretteront pas. Je crois bien que c'est une des plus belles villes qu'il m'ait été donné de visiter, deux fois, et une troisième ne serait pas superflue !