Chambord, le château de Peau d'Ane
Il m'aura fallu atteindre l'âge canonique de 62 ans pour visiter cette merveille de la Renaissance : le château de Chambord.
Et ce fut, naturellement, un enchantement.
Le tuffeau immaculé, l'extraordinaire richesse ornementale, l'intelligence du plan laissent sans voix. En revanche, il faut avoir bon pied : l'édifice compte 426 pièces.
Imaginez un donjon carré flanqué de quatre tours rondes, orientées aux quatre points cardinaux. Ce donjon est placé à l'intérieur d'une courtine rectangulaire, elle aussi bordée de quatre grosses tours. A l'intérieur du donjon, sur trois étages, une séparation en croix grecque autour d'un immense escalier central ouvragé à doubles révolutions, délimitant à chaque niveau quatre appartements symétriques et identiques...Voilà Chambord, un château fastueux voulu par François 1er, qui ne l'habita que 72 jours en 32 ans de règne.
Mais il ne fut pas le seul à être reçu et y séjourner : henri II, Charles Quint, Gaston d'Orléans, Louis XIV, Stanislas Leszczynski - roi de Pologne en exil - le Maréchal de Saxe qui le reçoit de Louis XV, le Comte de Chambord, héritier du trône de France qui le reçut par souscription nationale. De ces illustres propriétaires successifs, Chambord se souvient : on passe à travers les siècles et les styles en traversant les couloirs qui font communiquer ces innombrables salons et cabinets. Les décorations sont fastueuses, mais le confort précaire.
Nous étions bien contents, Claude et moi, de nous être couverts chaudement ce matin !
La démesure règne : 156 mètres de long, 56 mètres de haut, 77 escaliers, 282 cheminées. Malgré l'évolution stylistique des aménagements intérieurs - et on ne se lasse pas d'admirer les étoffes charmantes qui ornent les appartements XVIIIème siècle - ce qui frappe est l'harmonie, l'unité de la construction. Un rêve, un conte de fées, un des chefs d'oeuvre de la renaissance française à un peu plus de 150 km de Paris.
Deux expositions intéressantes, un peu en marge : les souvenirs du Comte de Chambord, qui refusa en 1871 la couronne pour rester fidèle au drapeau blanc - et c'est peut-être pourquoi nous sommes toujours en République ? - et un panorama de tous les objets et marques commerciales qui ont utilisé et abusé du nom de CHAMBORD : de la célèbre voiture du Général de Gaulle à un modèle de cercueil, en passant par des interrupteurs électriques et une couscoussière.....cocasse et très éclairant pour la symbolique du "beau" et du chic, pour laquelle Chambord est l'évocation absolue dans la civilisation française.