Une histoire de France, par Alain Minc
483 p. Chez Grasset, 21,90 €.
C‘est le vingt-neuvième livre que publie Alain MINC.
J’avais eu bien du mal avec le style du dernier, consacré à la biographie de
John Maynard Keynes. Mais là, la forme est beaucoup mieux ciselée. Travail
d’équipe ?
Cet ouvrage intitulé « Une histoire de France » se
lit un peu comme un roman, de façon cursive et ramassée. Mais ne nous y
trompons pas, le propos est avant tout pédagogique. Il s’agit d’une histoire à
l’usage non pas du Dauphin, mais d’une tranche sociologique qui, de ce point de
vue, a été massacrée par l’enseignement. Celle des cadres de 35-45 ans, qui ont évacué de
leur mémoire le peu de culture historique transmise par l’absence de continuité
des programmes scolaires, qui lisent les hebdomadaires économiques et
s’intéressent à la politique d’aujourd’hui. Le vocabulaire, les références –
quoique constamment anachroniques – leur sont destinés.
Promouvoir une vision synthétique de l’histoire de France,
de Vercingétorix à Sarkozy, rien de moins. Pourquoi pas ?
Evidamment, les historiens de métier sautent au plafond,
même ceux qui se réclament de l’histoire longue, celle de Fernand Braudel
auquel, prudent, l’auteur se réfère dès l’introduction. Mais qu'importe. Le résultat est de permettre une appréciation globale des grandes carences de la vie politique française, de ses sources de bisbilles permanentes, de ses petitesses, de son manque constant d'à propos. Même les meilleurs décisions, sont prises à contre-temps.
Qu’en retire-ton, au-delà de raccourcis saisissants comme
« Turgot est le Mendès-France de
l’époque » et de la perpétuelle manie de ramener à des événements de
l’histoire contemporaine les péripéties et comportements d’un autre siècle sous le prétexte de les faire comprendre - ressentir - à l'homme d'aujourd'hui ?
Des constantes : le poids de la légitimité et la
préférence pour l’ordre public, (et donc le recours périodique à l’homme
providentiel), l’appel à l’étranger pour résoudre des conflits internes, la
marche inexorable vers les frontières naturelles qui induit un Etat fort et
centralisateur mais qui produira le mythe de la ligne Maginot, la montée
progressive de la technocratie bourgeoise, le cynisme diplomatique qui impose à
l’Allemagne la décentralisation et la liberté de religion (paix de Westphalie)
pour mieux l’affaiblir ….Des rappels cuisants : parmi les décisions les
plus funestes à notre pays, la révocation de l’Edit de Nantes qui prive la
France de la fraction de l’élite la plus entreprenante, la faillite de Law qui
lui enlève le goût de l’économie de marché, la transmission héréditaire des
offices qui crée un inexpugnable statut aux Parlements…Voici peut-être pourquoi
la France n’est pas devenue une monarchie parlementaire. A côté de cela, des
personnages-énigmes comme Jeanne d’Arc, Napoléon, De Gaulle…(qualifiés
d’anomalies chromosomiques) des hommages mérités : Richelieu, Mazarin,
Mendès-France, des mises au pilori : Hugo, Chirac…..