Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Bigmammy en ligne
Bigmammy en ligne
Bigmammy en ligne

Journal de bord d'une grand-mère grande lectrice et avide de continuer à apprendre, de ses trois filles et de ses 7 petits-enfants.
Voir le profil de Bigmammy sur le portail Canalblog

Newsletter
Archives
Derniers commentaires
21 février 2008

Chapitre 12 - 2 (suite)

Jean__retour_de_captivit_Nous passons la Noël dans ce foutu camp.

Le matin, tout le monde va à la messe, même les Juifs, beaucoup de Polonais aussi, mais eux sont d'une telle ferveur que j'en suis tout remué, même encore aujourd'hui quand j'y pense.
Le temps s'écoule lentement, en corvées diverses et toujours par un froid intense. Un jour, le bruit court qu'il y a le typhus chez les Russes et que nous allons être mis en quarantaine...Le moral tombe à zéro.

Aussi, à plusieurs, nous envisageons de creuser un tunnel. J'ai caché à l'extérieur de la baraque un garde-boue avant de moto. En arrondissant la partie haute et en aplatissant la partie évasée du bas, cela fait une excellente pelle.

Nous attaquons dans la baraque des latrines. C'est la plus proche des barbelés, et la terre, nous l'évacuons provisoirement dans les latrines, qui sont immenses. Cela fait du bien, rien que d'y penser...

Le 8 janvier, un gardien arrive de Brème...Pour nous y ramener. En vue de notre camp, nous ne sommes pas très fiers : nous sommes les premiers à nous être évadés, qu'est-ce qui nous attend ?

Surtout que devant les baraques des Chefs se tient une double rangée de sentinelles, au milieu de laquelle il nous faut passer. Nous appréhendons les coups de crosses en vache, comme beaucoup savent pratiquer.

Nous avançons, mais rien ne se passe, j'arrive à la hauteur de celui que nous redoutons le plus. Il lèver la main très haut et, d'une tape, qu'il cherche à rendre amicale, dit :

- good soldate !
- merde alors ! je n'en reviens pas ......

C'est dans la même baraque et dans le même lit que s'effectue le retour, parmi les copains qui nous font un accueil enthousiaste. Quelques uns, avec une discrétion qui me touche, m'apportent quelque chose à manger, qui un peu de main, du chocolat, des sardines, enfin de quoi caler l'estomac, car le régime de la compagnie disciplinaire ne nous avait pas fait grossir. C'est presque dans l'euphorie que je passe cette première nuit de retour.

le lendemain, nous sommes conduits dans un bureau, qui sert de tribunal. Il y a là plusieurs officiers assis devant une table, et nous deux, devant eux, au garde-à-vous. Comme je fais figure de chef, c'est à moi seul qu'ils posent les questions. je comprends presque la moitié de ce qu'ils se disent entre eux, ce qui me permet de préparer un peu mes réponses. Un mot revient souvent dans la bouche de l'un d'entre eux : "plausible". Pas besoin de savoir l'allemand pour le comprendre, un autre mot aussi : "Heimweh", "maladie de chez soi", nostalgie du pays perdu...

Finalement, au bout d'une heure, le verdict tombe : vingt et un jours de cellule, c'est le tarif normal, mais nous avions peur de plus car nous étions les premiers ! C'est d'un pas allègre que nous gagnons un peu à l'écart des baraquements, notre cachot.

Le temps est long dans cette pièce obscure, la bouffe plus que médiocre, mais c'est la loi, donc : pas de récriminations. Les jours s'étirent sans incident notoire, sauf qu'un jour, un copain à Jo, le sachant gros fumeur, arrive avec une couverture. C'est très chic de sa part vu le froid qui règne en cet hiver 1941-1942, aussi, nous le remercions bien, pendant que le garde secoue la couverture et crac, catastrophe, soi-disant bien accroché dans un angle, un paquet de cigarette tombe à ses pieds...

Gros scandale, engueulade, menace des pires sanctions pour le copain, puis le garde met le paquet dans sa poche et le laisse partir tout penaud. Arrive tout de même la fin de notre séjour, et notre retour à la chambrée.

Dès le lendemain, je me fais porter malade pendant le rassemblement, qui se fait dans le couloir de la baraque. Dans une lumière médiocre, le chef qui ne m'a pas reconnu sur les rangs, fait une réflexion désobligeante à mon égard, laissant entendre que je n'étais pas élégant vis-à-vis des Allemands qui n'avaient pas été vaches à mon égard. Comme il est du genre collabo, ma réponse ne se fait pas attendre. D'un ton ferme et à haute voix, je lui étale ma pensée sur lui et les siens, dans un silence absolu :
- alors, d'après lui, nous aurions dû être reconnaissants envers les Allemands, pour leur mansuétude ?

Justement, tel n'était pas mon point de vue, et j'avais eu tout le temps de mûrir un plan dans ma cellule, que je comptais mettre rapidement à exécution. J'avais pour ce faire besoin d'un peu de liberté dans le camp, et c'est pourquoi je m'étais fait porter "pâle".

Je reprends ensuite le chemin des corvées en ville et suis désigné seul pour travailler dans une grande entreprise de construction de navires. Le directeur me reçoit dans son bureau, me fait asseoir dans un fauteuil, me montre un tas de prospectus de l'usine, vantant ses réalisations, dont le paquebot BREMEN dont il est particulièrement fier.

il me dit aussi qu'il ne pourra pas m'employer dans ma spécialité de graveur sur verre....Et là, je tombe sur le cul, je n'ai jamais dit ni pensé l'être, mais qu'importe, pour le moment, c'est la guerre, et il ne faut que remplacer les vitres queles Anglais s'acharnent à briser.

Le 1er février au soir, je suis prêt à remettre ça. Je vais voir Jo par acquit de conscience, pour lui en parler, mais je suis néanmoins décidé à partir seul. D'accord, me dit-il, je pars avec toi....

Même scénario que la dernière fois : à peine arrivé chez mon patron, je quitte ma capote et mon calot, que je remplace par une casquette à visière vernie, et je pars sous les regards ébahis des copains de l'atelier, direction : la gare.

Il est bonne heure, je vais prendre les billets et , avec Jo qui vient d'arriver, nous faisons le tour du quartier, et dix minutes avant le départ du train, nous montons sur le quai en faisant les cent pas. Nous reconnaissons alors une dizaine de copains du camp, ça fait plaisir à voir, il y a eu de l'émulation....

Le train s'ébranle à l'heure. Nous revoilà repartis en direction d'Aix-la-Chapelle. le train roule, roule, tout à l'air de bien se passer, un seul contrôle de billets. Nous demeurons en alerte dans le milieu du couloir afin de pouvoir évacuer dans le sens opposé en cas de vérification des papiers.

Je m'arrange pour avoir toujours les bras pliés car je me suis aperçu que les lettres K.G. sont perceptibles lorsque j'ai les bras le long du corps : c'est ma veste de prisonnier que je porte, que j'ai teinte en noir après avoir gratté la peinture des lettres. Quelqu'un de perspicace ne s'y tromperait pas....

Nous arrivons enfin, sans incident, à Aix-la-Chapelle, avec l'intention de reprendre le même chemin. Nous suivons la file qui mêne vers la sortie, un peu séparés l'un de l'autre quand, dans le passage souterrain, presque au niveau de la sortie, je suis interpellé par un garçon d'une vingtaine d'années qui le dit d'un ton péremptoire :

- Tu es Français ?

(à suivre)

Commentaires
Pages
Visiteurs
Hier 822
Depuis la création 7 288 708