Souvenirs d'une épizootie ...
Des souvenirs encore très présents … et pourtant. Qui nous font percevoir que les temps changent, mais pas toujours en bien.
En 1974 une épidémie de fièvre aphteuse se déclara en Bretagne dans une centaine de foyers, entraînant l'abattage de plus de 35000 animaux (30000 porcs, 4 500 bovins et 700 ovins et caprins). Elle se propagea aussi en Normandie.
A cette époque, nous habitions à Vannes. Claude, mon mari, était alors Directeur de cabinet du Préfet du Morbihan, Roland Faugère. L'épizootie de fièvre aphteuse se propageait à grande vitesse en direction de la Normandie. Des mesures restrictives de libertés s’étaient imposées pour stopper - autant que faire se pouvait - la maladie qui touchait tous les cheptels à sabots fendus (ovins, caprins et naturellement bovins). Un risque économique terrible pour cette région d'élevage.
Je me souviens qu’il avait fallu dresser des cordons sanitaires autour des exploitations contaminées, complètement barricadées, qu’il fallait désinfecter les bottes, les chaussures et les roues des véhicules avant de traverser les routes en les frottant à l'eau de Javel dans des « pédiluves ». La Préfecture avait interdit tous les regroupements : il avait été indispensable de fermer les cinémas, d’annuler les matches de foot, les courses cyclistes, les foires et les marchés, les mariages, les messes !!! Claude avait été chargé de recueillir l'assentiment de l'évêque ...
L’urgence à agir était comprise de tous et personne ne s’est opposé à ces mesures de restriction des libertés individuelles pour sauvegarder l’intérêt collectif. Personne n’a défilé dans les rues. On retenait son souffle. On se demandait comment empêcher les mouches de transmettre le virus et d'anéantir tous ces efforts alors qu'il n'y avait aucun risque de contamination des humains.
A un moment, il a fallu que les gendarmes abattent in situ, au fusil mitrailleur, les troupeaux infectés, avant de les enfouir sous la chaux vive. J’ignore dans quelle mesure les éleveurs ont été indemnisés.
Ce dont je me souviens, c’est le consensus général sur les mesures cruelles de prophylaxie mises en œuvre par la puissance publique. L’épizootie a cessé …. Personne n’a protesté, résisté, défilé, fait appel à la liberté de chacun d’aller et de venir. Il est vrai qu'à Paris, le Morbihan devait sembler bien lointain ...
Effectivement, l’esprit public a évolué depuis bientôt 50 ans – je pense en particulier à prise de conscience récente contre les violences faites aux femmes, à la révolte contre les injures racistes … ce qui est très positif.
En revanche, la posture qui consiste à critiquer n’importe quelle décision du seul fait qu’elle émane de la puissance au pouvoir me choque. Car aujourd’hui, il ne s’agit pas que de troupeaux de bovins qui soient en péril …. et je ne trouve aucune proposition alternative de la part des différents opposants à la politique gouvernementale.
L’esprit public progresse dans certains domaines, et régresse dans d’autres. Faut-il s’en satisfaire ?