J'ai aujourd'hui 61 ans !
6 octobre : c’est mon anniversaire ! Bingo, une année de plus, et pendant les six mois qui viennent, je rattrape Claude, né le 1er avril 46. Deux babyboomers archétypiques, des enfants du retour des prisonniers….
Ce qui est vrai pour mon mari, mais pas exactement pour mes parents. En effet, Papa s’est évadé d’Allemagne – de Stralshund au bord de la mer Baltique plus précisément – et a repassé la ligne de démarcation le 13 février 1942. Il a repris ses activités au Maroc quelques semaines plus tard – le temps d’être « débriefé » - puis lui et maman se sont retrouvés à Alger, dans les équipes du gouvernement provisoire du général De Gaulle, avant d’être rapatriés à Paris en août 1945.
Quand je pense à cette période, ce n’est pas seulement d’un autre siècle qu’il s’agit, mais bien d’une autre ère. Maman avait élevé toute seule sa fille Claude, née en juin 1939, durant toute la guerre. Claudie avait donc juste trois mois avant que son père ne parte pour la France, porté volontaire pour une unité combattante alors qu’il était adjudant comptable. Pendant plusieurs mois, elle n’eut aucune nouvelle de lui, sinon qu’il avait été fait prisonnier dès mai 1940. En partant, il lui avait fait promettre de ne pas faire dormir la petite dans son lit pendant son absence…..
Quand il a refait surface, Claudie avait trois ans ! Lorsque j’observe Romane et ses soudaines colères, j’imagine sans peine la difficulté de ces deux êtres à se comprendre, à accepter de partager Lulu, cette femme qu’ils aimaient si exclusivement tous les deux.
Je sais que Maman ne souhaitait pas particulièrement un second enfant. Mais à cette époque, on ne choisissait pas ! J’ai été « commandée » le soir du 31 décembre 1945. On voit que j’ai joué les prolongations. A ce moment, ma mère avait un bon job, qui lui plaisait, la valorisait. Elle était la secrétaire particulière du Directeur Afrique-Levant du Ministère des Affaires étrangères, avec une dactylo pour la seconder. Mon père voyageait beaucoup en tant que Courrier diplomatique. Il restait absent plusieurs semaines, puis revenait quelques jours à Paris entre deux missions, pendant lesquels il était libre de ses mouvements. Maman travaillait beaucoup. Lorsqu’elle sut qu’elle allait avoir un second enfant, elle comprit qu’elle devrait abandonner sa carrière. Etre disponible pour sauvegarder sa famille, garder l’amour de son mari, élever ses deux enfants. Jamais cependant elle n’a parlé de ce renoncement.Moi aussi, j’ai été heureuse de travailler, et d’avoir à la fois des responsabilités et des enfants. Je ne sais pas si j’aurai eu le courage de renoncer à toute activité professionnelle, toute « valeur » en dehors de mon mari.
Je suis née un dimanche, dans une clinique de l’avenue Michel Bizot. Papa était en mission. Elle a donc accouché toute seule. Qui gardait Claudie ? Papa n’a pas tardé à revenir de voyage : il était particulièrement heureux de ce nouveau bébé, il se dépêchait de revenir du bureau pour s’en occuper. Quelle chance j’ai eu d’être née dans ce nid de tendresse !
Plus tard, j’ai appris que, comme dans tous les couples, les nuages n’avaient pas manqué. Mais moi, jamais je n’en ai pâti. J’étais la dernière, la préférée. Mes parents étaient des gens simplement exceptionnels. Leur ai-je rendu tout cet amour ?