Ravenne, capitale de l'Empire, creuset de l'Europe par Judith Herrin
J’avais tout juste quatorze ans (dans les années 60 ...) quand j’ai pu admirer pour la première fois les merveilleuses mosaïques de Ravenne, en voyage touristique avec mes parents. Bien des années plus tard, je les ai faites découvrir à mon mari, avec toujours plus d’enthousiasme. Aussi n’ai-je pas hésité à me procurer ce livre d’histoire récemment traduit et publié dans une collection que j’apprécie.
Cependant, je dois confesser mes plus grandes difficultés à progresser dans cet ouvrage foisonnant, qui suit un parcours chronologique mais avec demultiples retours en arrière, qui entremêle des notions politiques et religieuses avec le détail minutieux de personnages figurant sur les rares documents de l’époque : testaments, inventaires, contrats de vente, notes de réunions …
Une foule de détails qui passionneront les érudits mais qui rendent la lecture parfois difficile, d’autant plus que la traduction n’est pas d’une grande fluidité. En revanche, l’iconographie est splendide. Et les explications des images tout à fait étonnantes.
Ravenne, capitale de l’empire romain d’Occident, base de départ de César en 49 avant Jésus Christ pour franchir le Rubicon, cité-Etat cheville ouvrière reliant Constantinople, l’Italie et l’Europe du Nord, avec le contrôle de l’Adriatique, garante du contact avec la Sicile pour la fourniture de blé …
Car c’est sa situation privilégiée au bord des marais du delta du Pô – qui lui servent de douves - avec ses murailles qui la font imprenable, le port de Classe qui peut accueillir plus de 200 vaisseaux, ce pourquoi elle est choisie pour capitale mieux défendable que Rome mise à sac par les hordes barbares à plusieurs reprises.
Ravenne, avec sa société hétérogène mais tolérante, forte de ses familles patriciennes et de ses fonctionnaires impériaux, ses juristes et ses scribes publics, ses professions libérales au haut degré de compétences, sublime de ses édifices religieux insurpassés.
Ravenne avec la toute puissance de sa hiérarchie catholique, mais aussi en coexistence avec ses rois wisigoths qui eux sont minoritaires mais ariens. Mais Ravenne aussi, rivale à la fois de Rome et de Constantinople, résistante aux poussées successives des tribus barbares mais soumise à des schismes religieux à répétition …
On apprend les vies compliquées de ses dirigeants, seigneurs de guerre et princes ecclésiastiques : Galla Placidia, Honorius, Théodoric, la reine Alamasonte, Justinien et Théodora, Liutprand, Charlemagne, le général Bélisaire, les archevêques Ours, Maximien, Agnellus, Marinien, Maur, Damien, Martin …
C’est ici un travail d’universitaire qui fera référence pour les chercheurs travaillant sur cette période qualifiée de « dark ages », qui fut extraordinairement jalonnée de violences.
L’étude se termine au VIIIème siècle, lorsque Ravenne n’est plus le fidèle bastion de la puissance impériale byzantine en Italie, qu’elle compte des éléments favorables à une allégeance au pape et dont l’indépendance chancèle devant les assauts de Arabes, tandis qu’elle se préoccupe autant de savoir quelle est la nature du Christ et si la consécration de ses évêques doit être obtenue à Rome ou sur place par ses évêques suffragants alors que les Lombards déjà installés à Milan ainsi que les Perses sont à ses portes.
Ravenne, capitale del'Empire, creuset de l'Europe, par Judith Herrin (Kings College de Londres), traduit par Martine Devillers-Argouarc’h, collection Passés/Composés, 507 p., 27€