De la cruauté en politique, ouvrage collectif sous la direction de Stephane Courtois
Un ouvrage qui tient du musée des horreurs, de l’encyclopédie de la perversité et du panorama de toutes les exactions perpétrées par les hommes contre leurs semblables à travers les siècles.
Vingt-quatre contributions réparties en quatre parties, depuis les racines historiques de la cruauté, la violence et la terreur comme mode de gouvernement, les cruautés des temps de guerre, de guerre civile, les systèmes totalitaires … la cruauté appartient à tous les temps.
La cruauté, dans son sens étymologique, vient du latin crudelitas qui évoque une chair sanguinolente. Et, des persécutions romaines à l’Inquisition catholique, du djihad à la Saint-Barthélemy, puis la référence aux régimes totalitaires, le tableau est saisissant.
Gilles de Rais, Vlad l’empaleur, Staline, Katyn, le Goulag, la barbarie nazie, l’épuration après la Libération, la guerre civile grecque, les massacres à la chinoise, la guerre d’Algérie, le régime des Khmers rouges … un festival.
Je fais à travers cet ouvrage de nombreuses découvertes : l’essence du sadisme et la philosophie totalement aberrante de l’écrivain, la sacralisation de la violence conquérante du djihad avant même toute prédication, les spécificités de la guerre civile. Aussi les caractéristiques du totalitarisme marxiste : l’absence totale de limite à la volonté de toute puissance du leader révolutionnaire face à la résistance de la société dans toute sa diversité …
La cruauté "légitime" dans la punition des criminels : le souci de faire expier le crime par le coupable (réel ou supposé) aboutit à un raffinement des supplices dans l'intention de terroriser les témoins.
Et surtout, la référence constante à la terreur révolutionnaire (triste évocation, pour nous Français !) qui a largement inspiré la cruauté moderne : là se situe le droit de tuer, y compris avec cruauté, mais au nom du progrès de l’humanité. Lire l’extrait du discours de Barère le 23 août 1793 (p. 259) : mobilisation de toutes les classes d’âge, en permanence sous le regard les unes des autres dans une lourde surveillance qui débouche sur la délation, leur spécialisation en fonction du rapport plus ou moins direct à la guerre et au combat. Ce même Barère qui préconisa d’utiliser un gaz pour éliminer les Vendéens … cher au cœur du coordinateur de ce livre Stéphane Courtois.
Car cet éminent spécialiste du communisme dans tous ses aspects, s’il ressemble, avec sa barbe drue et ses yeux bleus, à un patriarche amish, a connu un parcours idéologique particulièrement remarquable.
Il suffit de consulter sa fiche biographique dans Wikipedia pour appréhender son cheminement philosophique et le sérieux de ses recherches universitaires.
En tous cas, un ouvrage parfois difficile, qui démontre que les horreurs dont nous sommes témoins parfois en direct ne sont pas des novations dans la nature humaine. Trois fois hélas.
De la cruauté en politique, de l’Antiquité aux Khmers rouges, ouvrage collectif sous la direction de Stéphane Courtois, publié chez Perrin, 472 p., 25€