Histoire globale de la France coloniale - ouvrage collectif
Premier livre commenté en 2023, et c’est une somme.
Un pavé regroupant 108 contributions et 700 pages de textes (écrits dans un corps minuscule et sur 2 colonnes ! ) plus les références et la bibliographie …
Une révélation pour moi qui ai vécu de loin l’exaltation de l’Empire colonial français – le planisphère avec ses grandes étendues roses – les écho de la guerre d’Indochine – mais c’étaient des militaires de carrière – les négociations de Pierre Mendès-France, mais surtout la guerre l’Algérie où combattait mon beau-frère …
Cette pléiade de contributeurs internationaux appartient au groupe de recherche Achac qui travaille depuis 1989 sur la question coloniale et postcoloniale et analyse les prolongements contemporains de la représentation coloniale et à ses enjeux.
Une approche globale – très diversifiée : littérature, cinéma, lieux de mémoire, séquelles profondes de l’esclavage, propagande d’Etat touchant particulièrement les enfants et les ménagères, opérations de marketing visant à favoriser les produits coloniaux, ségrégation de fait, néocolonialisme, réservoir de troupes efficaves et peu payées, réseaux françafrique, organisation de transfert de main d'oeuvre, rôle des diasporas – à chaque sujet, juste quelques pages, parfois difficiles à « avaler » …
Une découverte pour moi : pas à pas, pierre par pierre, image après image … l’exhibition de l’Autre, le colonisé, une mise en scène qui associe la construction des grands empires coloniaux à l’émergence de théorie racialistes comme la supériorité intellectuelle de l’homme blanc, le cannibalisme de l’homme noir – eugénistes, sexistes ou ségrégationniste.
En fait, si l’intrusion coloniale en Afrique subsaharienne se fit dans un premier temps discrète et parfois séduisante à la fin du XVIIIème siècle face aux désordres internes antérieurs, les Africains ne réalisèrent que trop tard qu’ils s’étaient fait prendre au piège.
Ensuite, la propagande aidant – la grande exposition coloniale de 1931 – la plus grande majorité de l’opinion publique se rassemble derrière le mythe de la supériorité de l’homme blanc et la « mission civilisatrice » de la France.
La perte de l’Empire colonial a été une grande blessure narcissique du nationalisme français, la perte d’un imaginaire considérable. Nous sommes bien loin d’en mesurer aujourd’hui et pour l’avenir toutes les conséquences morales, culturelles, sociales et politiques.
Un livre indispensable pour comprendre la France d’aujourd’hui, et nos semblables.
A propos, saviez-vous que nous avions mené une guerre « de haute intensité » au Cameroun entre 1955 et 1971 ? Avec vastes opérations de guerre révolutionnaire, regroupement de populations, tortures, exécutions extra-judiciaires, bombardement et ratissages ? Une guerre coloniale « oubliée » !
Histoire globale de la France coloniale – ouvrage collectif sous la direction de Nicolas Bancel, Pascal Blanchard, Sandrine Lemaire et Dominic Thomas. Editions Pierre Rey,813 p., 34€