V2, roman historique de Robert Harris
C’est le troisième livre de cet auteur que je lis, après « Enigma » qui racontait le décryptage des messages échangés entre les sous-marins allemands et leur amirauté et dont la clé fut le fruit d’une coopération polono-franco- britannique, et « D. » récit à peine romancé de l’affaire Dreyfus.
Robert Harris est un conteur hors pair. Il nous replonge ici dans les derniers soubresauts de la lutte entre les nazis et les Alliés, à l’automne 1944 où Hitler jette dans son dernier combat ses armes supersoniques : les V2 qui vont terroriser Londres et Anvers et renverser le cours de la guerre.
Conçues par le surdoué ingénieur Wernher von Braun (1912- 1977), ces missiles balistiques sont appelées « armes de représailles » ou Vergeltungswaffen, construits d’abord dans le gigantesque complexe de Peenemünde – sur l’île de Usedom – puis dans une usine creusée en sous-sol à Mittelwerk après le bombardement du site de la Baltique par les Anglais en 1943
Hitler avait investi des sommes folles sur ce projet. Cependant, même si ces missiles tuèrent 2700 personnes et en blessèrent 6500 à Londres et causèrent 1700 morts et 4500 blessés à Anvers, leur construction détruisit la vie de 20000 déportés assignés à leur construction.
Un projet qui coûta plus au Reich que le Manhattan Project au gouvernement américain.
Le roman met en scène deux héros de ce combat sans merci : le Dr Rudi Graf, un des ingénieurs responsables des lancements, de moins en moins acquis à la cause nazie et ami d’enfance de von Braun d’une part et Kay Caton-Walsh, une jeune officier féminine de l’armée de l’air britannique et mathématicienne chargée de situer le point de lancement de chaque V2 à partir d’un rétrocalcul de la trajectoire de la fusée.
Mais il faut agir très vite, car les pas de lancement sont déplacés après chaque tir …
Pour moi, le souvenir d’une visite du site de Peenemünde à l’été 2014, ou du moins ce qu’il en reste, reste très présent. D'autant plus que mon père fut prisonnier de guerre dans cette région jusqu'en février 1942 et eut l'occasion d'être débriefé après son évasion ...
Les V2 n’eurent pas le temps de jouer le rôle d’arme de destruction massive qui leur avait été assigné. En revanche, le savoir-faire des équipes d’ingénieurs en astronautique allemands prospéra aux Etats-Unis avec le succès que l’on sait dans la conquête spatiale.
Il reste ici un portrait peu flatteur de Wernher von Braun : séducteur, opportuniste, manipulateur et génial inventeur.
V2, roman de Robert Harris, traduit de l’anglais par Anne-Sophie Homassel, édité chez Belfond, 361 p., 22€