Qui écoute encore la radio de nos pères ?
Chaque jour, j’ai l’impression d’entrer dans un nouveau monde. Et cela tient à d’infimes détails. Naturellement, me retrouver pour la première fois seule maître de mon agenda y est pour beaucoup. Mais pas que.
Des habitudes, devenues des rituels, changent radicalement jusque dans mon environnement intime. Comme la radio du matin. Depuis ma plus tendre enfance, j’écoutais exclusivement les informations sur Europe 1. Et ce bien avant les événements de mai 68.
Depuis le rachat de la station par le Groupe Bolloré et sa droitisation manifeste, je me suis résolue à changer d’antenne pour écouter désormais France Inter. Et cependant, mes opinions politiques me rangent plutôt au centre droit, côté laïque, mais pas woke car je suis depuis très longtemps "éveillée". J’avais toutefois une image plutôt « gauche caviar » de cette radio.
Je ne suis pas la seule auditrice à avoir fait un tel arbitrage cette année : selon les chiffres de Médiamétrie pour la période septembre-octobre récemment publiés, France Inter reste la radio la plus écoutée du pays, avec 6,8 millions d’auditeurs. J'apprécie en particulier la journaliste du matin Florence Paracuellos.
L’antenne gagne même plus de 250 000 fidèles par rapport à l’année passée. L’audience cumulée d’Inter (le pourcentage du nombre de personnes ayant écouté au moins une fois la radio en journée) pointe, elle, à 12,3%.
A l’inverse, 400 000 personnes ont délaissé Europe1 par rapport à la rentrée 2021. Résultat : 3,7% d’audience cumulée…
Derrière France Inter, RTL qui regroupe 5,5 millions d’auditeurs chaque jour, réalise une des plus faibles audiences de son histoire, avec 350 000 auditeurs en moins depuis l’an passé. Elle reste deuxième, suivie par France Info, qui perd 100 000 fidèles par rapport à 2021, à 4,8 millions d’auditeurs et NRJ, à 4,4 millions (220 000 en moins).
En réalité, ici comme ailleurs, nous assistons à un changement radical d’habitudes de consommation de l’information. La radio n’est plus qu’un épiphénomène … elle devient un médium ringard, pour « vieux », comme, peu à peu, la télévision qui devient un simple support de séries formatées selon le même moule et où certaines émissions qui pratiquent Le clash et l’insulte réunissent 2 millions de spectateurs. Dans son ensemble, la radio perd des auditeurs : 1,3 million en moins en cette rentrée, pour 39,3 millions d’auditeurs au global.
Perte de confiance dans la véracité de l’information, préférence pour le buzz et le coup de pub, le zapping permanent, concurrence de nouveaux outils sollicitant a minima la réflexion de l’auditeur ? Pour ma part, toujours adepte des séries policières américaines qui scandent mes siestes de l’après déjeuner, je regarde chaque soir la 5 ou ARTE, où je retrouve en « live » mes chroniqueurs et animateurs du Service public préférés : entre autres Dominique Seux, Pierre Haski, Bernard Guetta et Léa Salamé, condisciple jadis de ma fille Victoire.
Notre civilisation de l’image nous réserve encore bien des surprises … Et ce n’est pas ce qui va aider nos jeunes successeurs à nourrir leur compréhension du monde qui les entoure et, souvent, les terrifie.