Michel Bussi et Jérôme Fourquet : l'analyse scientifique de la France politique
Lu dans Le Point cette semaine, une passionnante interview croisée de Michel Bussi et Jérôme Fourquet :
« Chacun dans son domaine est un auteur prisé des Français. Michel Bussi, qui vient de publier Nouvelle Babel (Les Presses de la Cité), est l'un des romanciers les plus lus, etJérôme Fourquet, le politologue et sondeur le plus en vue. Tous les deux figurent au palmarès 2021 des meilleures ventes de livres : Michel Bussi pour Rien ne t'efface et Qui a tué le Petit Prince ?, et Jérôme Fourquet pour son essai coécrit avec Jean-Laurent Cassely, La France sous nos yeux (Seuil). Les deux hommes se connaissent bien. Il y a vingt ans, ils ont été pionniers dans la géographie électorale, associant leurs compétences pour analyser de manière inédite le vote Front national. Hommes de l'Ouest, enfants de la classe moyenne, fils de profs, ils n'ont pas suivi la voie royale. »
J’avais rencontré Michel Bussi en 2013 grâce à la plateforme Babelio, à l’occasion de la sortie d’Un avion sans elle, alors que je venais de lire avec passion Nymphéas noirs, et je connaissais son métier de spécialiste de la géographie électorale. J’ai lu les deux derniers ouvrages de Jérôme Fourquet : L’archipel français et La France sous nos yeux. Mais j’ignorais qu’ils avaient étroitement collaboré sur ce domaine scientifique très pointu.
Leur regard croisé est passionnant, en particulier lorsqu’ils soulignent leur origine sociale commune – famille d’enseignants chaleureuse avec beaucoup de livres et un milieu social très mixé où régnait l’harmonie - et leur attachement à la France de l’Ouest, à la périphérie d’une ville de Province – Rouen et Le Mans, leur parcours universitaire loin de l’Ecole Normale Supérieure.
Ils ont commencé à travailler ensemble au début des années 2000, publiant plusieurs articles scientifiques sur la géographie électorale, recueillant des statistiques à l’échelle la plus fine possible -le canton- et les articles de presse régionale. Le déclic fut la qualification au second tour de Jean-Marie Le Pen, un séisme …
Jérôme Fourquet s’interroge : « Pourquoi à classe sociale identique, dans le nord-est de la France, les ouvriers votaient à 50% Le Pen contre 20 à 25% dans l’ouest ? » Ou encore : « L’écrivain Nicolas Mathieu a raison : il y a une gauche hypokhâgne, il serait bien qu’il y ait aussi une gauche des bacs pros. »
Le succès des romans de Michel Bussi repose sur des personnages qui sont M. et Mme. Tout-le-Monde. Il s’adresse à tous, ses livres sont disponibles dans les Relay ou un Espace culturel Leclerc. Il trouve "atroce" d’établir une hiérarchie entre les goûts littéraires. Ses romans sont cependant construits sur des théories pointues.
La lecture est essentielle, selon ces deux chercheurs, pour recoudre le tissu d’une France déchirée, démoralisée, désorientée … je ne peux qu’approuver, tout en recommandant celle des ouvrages de l’un comme l’autre de ces spécialistes des profondeurs de notre patrie.
Le Point N° 2592 du 14 avril, p. 149