La nuit des aventuriers, roman de Nicolas Chaudun
2 décembre 1851 : la mécanique d’un coup d’état, l’attente angoissante de sa réussite. Nous voici au coeur d'une cellule de combat.
Dans un salon du palais de l’Elysée drapé de couleur parme et rehaussé d’argent, sont réunis autour de Louis-Napoléon, Prince premier président de la Deuxième République élu au suffrage universel et sa garde rapprochée : son chef de cabinet Jean-François Mocquard, un général Ministre, le Préfet de police Maupas, un député …
Tour à tour aussi, Charles-Auguste de Morny, le demi-frère du Président, le général de Saint-Arnaud, Emile Félix Fleury, Victor de Persigny. Ils jouent là leur carrière, ou leur vie en cas d’échec. La nuit sera longue mais tout se joue les deux journées suivantes.
En fait, c’est l’impossibilité constitutionnelle pour Louis-Napoléon de briguer un second mandat qui provoque le coup de force. Car élu en décembre 1848 avec l’appui de Victor Hugo, il ne dispose d’aucune assise parlementaire. L’assemblée est majoritairement conservatrice et monarchiste.
C’est sa troisième tentative après Strasbourg et Boulogne, il n’a plus droit à l’erreur. Son demi-frère a suggéré de procéder en pleine session parlementaire : dans la nuit, la plupart des représentants récalcitrants seront ainsi raflés, les empêchant de soulever leur circonscription.
A Paris s’élèvent dès le lendemain des barricades, mais on fait donner la troupe … la nouvelle se répand ensuite en province où les troubles seront âprement réprimés. Mais les résistants manquent totalement de coordination. La hantise de la jacquerie, la peur du « rouge » ralliera au prince le « parti de la peur ».
« la haine contre le riche, là où il y a des riches ; la haine contre le petit bourgeois, là où il n’y a que des pauvres ; la haine contre le fermier, là où il n’y a que des manœuvres ; la haine contre le haut, à tous les degrés, telle est la France qu’on nous a faite. » écrit Auguste Romieu … Comme une préscience de certains mouvements bien plus récents … D'autres allusions à l'actualité sont subtilement glissées dans le texte.
Louis-Napoléon est persuadé sauver la République. Il reste nimbé dans son mystère à travers les volutes de ses cigarettes, avec son regard impénétrable, ses scrupules : il ne pardonnera pas à Morny le sang des victimes.
Plusieurs centaines de morts sur les Boulevards, bien plus en province car si la flambée manqua de cohésion, l'appareil répressif, lui, tourna sans un raté. L'état de siège est instauré sur plusieurs départements (Hérault, Gard, Vaucluse ...). Le préfet Carlier reprend du service. La répression s’abat sur les 26000 insurgés arrêtés, déportés parmi lesquels on dénombre 5423 petits cultivateurs, 4350 journaliers. Le 11 décembre, Victor Hugo part pour dix huit ans d'exil ...Le coup d’état sera approuvé largement par un plébiscite. La force aura eu raison des brouillonnes velléités républicaines de résistance …
Cette nuit d’attente est dépeinte dans un style particulièrement efficace, un texte ciselé, une intrusion dans la tête du prince-président, une vraie tragédie antique … à transposer sans faute sur une scène de théâtre.
La nuit des aventuriers, roman de Nicolas Chaudun, édité chez Plon, 238 p., 18€