1792, la femme rouge, roman historique d'Anne Villemin-Sicherman
Cette nouvelle aventure du vétérinaire Augustin Duroch se déroule du 15 mai au 21 octobre 1792, période cruciale de la Révolution française puisqu’elle va se prolonger par la mise à mort du roi et la Terreur : la France a déclaré la guerre à l’Autriche et la Prusse s’est jointe à son alliée.
Les armées étrangères, grossies des bataillons d’émigrés sont en passe de déferler sur Paris : Verdun est tombée, mais Thionville résiste. Metz se prépare à un siège …
Dans cette ambiance survoltée, les vieux démons des dénonciations prospèrent d’autant plus qu’il y a une prime à la clé.
Chargé d’une mission d’investigation sur le lynchage d’un ci-devant chanoine en pleine rue par la foule (je repense au destin d'Axel de Fersen en 1810, similaire, dans son pays natal), Augustin Duroch se voit arrêté et incarcéré par décision du Conseil communal, émanation des Jacobins où le maire François Anthoine exerce le pouvoir d’une poigne de fer.
Visiblement, son enquête dérange. Mais son talent va lui permettre, comme toujours et avec la collaboration de son épouse Celia, de son amie Eléonore et de son fils Julien (entre autres), de résoudre l’énigme.
Parmi les personnages qui « percent l’écran » de cette histoire, une jeune femme à la chevelure flamboyante – elle me fait penser à Audrey Fleurot qui serait parfaite dans le rôle – Marie Larue, une passionaria capable d’enflammer les foules et de les mener là où elle veut … ou là où on lui suggère d’aller.
On imagine l’ambiance de suspicion qui étreint la population : comment, du jour au lendemain, adopter les nouveaux codes révolutionnaires : abandonner le voussoiement, s’habiller différemment (pantalons, cocarde obligatoire, couleurs nationales), parler autrement … Toute personne ne se conformant pas avec ardeur à ces attitudes est suspecte de royalisme – un crime contre la Nation – aussitôt dénoncée, emprisonnée. On apprend avec horreur en province les exactions commises à Paris le 10 août aux Tuileries puis lors des massacres de septembre.
La peur de la défaite des jeunes armées révolutionnaires, juste avant le retournement de Valmy, rend les populations hystériques, la justice, malgré l’affirmation des Droits de l’Homme, est bafouée. Car même parmi les plus ardents sans-culottes, la spéculation et la recherche du profit est présente.
Il y a aussi de l’Edmond Dantès dans cette affaire et le suspens ne quitte pas le lecteur. J’ai lu ce livre pratiquement en une journée, sans pouvoir m’en départir. Il m’a causé des frissons en pensant à d’autres contrées où sévit l’intolérance, ou à d’autres temps – comme cette visite au musée de la Résistance et de la déportation de la Citadelle de Besançon où l’on peut lire des centaines de lettres de dénonciations adressées à l’Occupant. Cela fait froid dans le dos.
1792, la femme rouge, roman d’Anne Villemin-Sicherman, édité chez 10/18, 478 p., 8,40 €