Adieu à Bernard Tapie ...
Finalement et inéluctablement, la vie aura quitté l’homme aux 1000 vies avant qu’il n’apprenne le verdict de son dernier combat judiciaire prévu dans le courant de ce mois, ni l’obligation prochaine de quitter l’Hôtel de Cavoye, sa prestigieuse demeure du XVIIème siècle rue des Saints Pères.
Moi aussi, je lui devais bien quelques lignes ...
Son témoignage de combattant courageux contre le double cancer a ému toute la France, jusqu’à faire oublier les aspects moins lumineux de son parcours d'entrepreneur. Car il a toujours vécu sur le fil du rasoir … et, de temps en temps, il est tombé du mauvais côté.
Pour ma part, j’ai toujours eu une certaine tendresse pour cet homme flamboyant, séducteur, courageux, créatif et entreprenant, doué d’un talent de communication fantastique, aux positions politiques d’une parfaite constance, en particulier contre l’extrême droite.
Sa fortune – il comptait dans les années 80 parmi les 10 hommes les plus riches de France – il l’avait construite en bousculant maintes fois les règles : des condamnations, il en a collectionné dès le début … et même exécuté six mois de prison ferme à la suite de l’affaire OM-VA.
Son activité, au début en collaboration avec l’homme d’affaires Marcel Loichot (promoteur du "pancapitalisme", troisième voie entre capitalisme et communisme), consistait à racheter des entreprises en dépôt de bilan, puis à revendre « à la découpe » les actifs qui pouvaient être valorisés. Et dégager à l'occasion de substantielles plus-values.
Un processus qui s’avèra funeste pour lui : le rachat d’Adidas, alors en faillite. Au prix de coupes claires dans les coûts et les effectifs, l’entreprise allemande se redressse en deux années. Mais, entré en politique et séduit à son tour par François Mitterrand, il doit la revendre, à un prix manifestement sous-évalué. C'est la banque qui le "conseille", qui a acheté via des sociétés off-shore l'entreprise qu'elle va revendre avec un gros bénéfice … Cette affaire à multiples tiroirs va lui coller à la peau jusqu’à sa mort …
Que son âme repose enfin en paix. Je trouve cependant parfaitement hypocrites les hommages multiples de certains, alors qu’ils le méprisaient jadis pour ses origines plébeïennes et sa non pratique de ce qui est « convenable » de faire aussi bien en politique que dans les affaires.
Il aurait voulu être un artiste. Borderline souvent, mais jamais en politique, sincère et courageux briseur de tabous toujours, Bernard Tapie fut en maints domaines un personnage hors normes. Un homme comme lui va nous manquer …
Et en plus, il nous a épargné quelques heures de la sinistre litanie autour d’Eric Zemmour. Qu’il en soit remercié !