Une vie cachée, récit de Thierry Hesse
Pourquoi ai-je saisi ce livre sur le présentoir de ma librairie habituelle ?
Sans doute parce qu’il y est écrit que l’auteur est né à Metz et que je me suis régalée à la lecture des aventures de l’artiste vétérinaire Augustin Duroch, ou parce que je m’imaginais trouver là un témoignage de ces malheureux « malgré nous » … ces jeunes gens enrôlés sous l’uniforme nazi pendant la seconde guerre mondiale.
Déception : rien ou si peu de tout cela, mais un récit certes élégant, cependant totalement décousu. Celui d’un professeur de lettres et de son souvenir bien ténu des journées passées lorsqu'il avait onze ans avec son grand-père Franz, ou plutôt François, reclus dans un appartement exigu du quartier des Loges, dont la porte donnait sous un porche, comme au fond d’un tunnel.
Ce grand-père mutique, qui l’emmenait promener dans le jardin botanique où l’on pouvait admirer une sculpture animalière représentant des aigles aux ailes déployées, était tailleur de son métier.
Mais en 1914, sous l’uniforme allemand, il est brancardier dans l’armée allemande. En particulier dans les tunnels creusés sous les collines de Vauquois. On y patauge dans le sang. Et finalement, il a la chance de s'en tirer, du moins physiquement, car des 400000 mosellans mobilisés durant ce conflit, la plupart seront envoyés sur le front de l'Est - on craint les fraternisations - dont 50000 seront tués à l'ennemi et 30000 faits prisonniers.
Finalement, l’enquête du petit-fils sur ce grand-père évanescent n’aboutit à aucune conclusion. Pourquoi cet homme a choisi de vivre ses dernières années en simili-reclus, à la marge de sa famille, hormis les quelques jours où on lui a confié son petit-fils …
Nul ne le saura jamais. Le texte est fort bien écrit, bourré de références littéraires – Franz Kafka et Claude Simon – dont on se demande pourquoi elles sont là, mais le tout reste très personnel, comme une dette envers un ancêtre que l’on aurait rayé de sa vie, sans pouvoir écrire son histoire.
Une vie cachée, récit de Thierry Hesse, aux éditions de l’Olivier, 184 p., 17€