Une fille du Régent, roman d'Alexandre Dumas
Dans la préface qu’il donne à cette réédition toute fraîche du roman d’Alexandre Dumas, le génial Bertrand Tavernier nous présente ce livre comme la source du scénario qu’il en avait tiré pour ce qui devait être son premier film … mais qui s’avéra trop dispendieux à produire …
Il réalisera cependant son projet en 1975 dans l’éblouissant « Que la fête commence », avec, dans les rôles principaux, Philippe Noiret (le Régent), Jean Rochefort (Dubois) et Jean-Pierre Marielle (Poncallec). Impossible de se départir de ces figures en retrouvant ici ces personnages d'un roman historique … qui ne tient tout de même pas le haut du pavé dans la bibliographie foisonnante de Dumas. Ce serai en outre une suite du Chevalier d'Harmental, mais on peut le lire d'emblée ...
Alexandre Dumas – assisté d’Auguste Maquet – publie ce roman en 1845, un an après Les trois Mousquetaires. Il met en scène une conspiration de la noblesse bretonne, peu de temps après l’échec de la tentative de complot dite de Cellamare, visant à renverser le Régent, le remplacer par Philippe V d’Espagne, un Bourbon plus légitime selon eux, et à séparer la Bretagne, devenue république, du joug de la France.
Désigné par le sort parmi cinq gentilhommes bretons, Gaston de Chanlay reçoit la mission de poignarder le Régent. Mais entre-temps, il est tombé éperdument amoureux d’Hélène, pieuse orpheline élevée depuis sa naissance dans un couvent de Clisson. Entre le respect de son serment envers ses complices et son amour, Gaston devra choisir.
Cette intrigue amoureuse n’est qu’un prétexte pour nous faire partager la complicité entre Philippe d’Orléans et son principal ministre, son ancien précepteur l’abbé Dubois – qui, en 1719 n’est pas encore prêtre (il a reçu à 13 ans les ordres mineurs) mais a pour seul objectif de devenir cardinal, comme Richelieu et Mazarin.
C’est une spécialité chez Dumas de nous brosser un portrait particulièrement sévère de ces grands serviteurs de l’Etat. Subtil, sans scrupules, mécréant, libertin, à la tête d’un service de renseignement intérieur particulièrement efficace, travailleur acharné, fin diplomate, Dubois est aussi un adepte des substitutions d’identités et des déguisements. Quitte à jouer les monte-en-l’air à 63 ans, un âge très avancé pour l’époque.
Le Régent est dépeint comme un homme des Lumières, jouisseur impénitent mais opposé à toute violence, magnanime et sachant apprécier la bravoure car il sait de quoi il parle. Peintre, compositeur, fin politique puisqu’il laisse le « sale boulot » à Dubois, avec lequel le lie une relation étrange faite d’admiration et de répulsion réciproques. Car contrairement à ce qui se passait sous Louis XIV, Dubois réussit à préserver la paix pendant plusieurs années, permettant à la France de prospérer.
Après le temps d’adaptation au style de ce début de XIXème siècle, on est emporté par cette cavalcade entre Nantes et Paris, par les dialogues incisifs - sans oublier que les feuilletons étaient payés à la ligne - par des situations parfois comparables à une pièce de Feydeau … Bref, on renâcle un peu aux premières pages puis on ne lâche plus l’aventure de ces deux jeunes gens si sympathiques pris dans le tourbillon de la politique la plus vile …
Une fille du Régent, roman d’Alexandre Dumas (1845) publié aux Editions du Cherche-midi, 398 p., 21€