Crénom, Beaudelaire - roman de Jean Teulé
Je ne sais s’il convient d’attribuer cette citation à l’auteur ou au sujet de ce livre : « Une imagination bizarre jusqu’à l’incohérence. »
Difficile de rester objective sur cet ouvrage que j’ai lu jusqu’au bout parce qu’il m’a été offert mais que je n’ai pas tellement apprécié.
Sans doute en raison de ma folle admiration pour « Les fleurs du mal » que j’ai lues et relues, déclamées dès mon adolescence … Ainsi suis-je effarée du portrait que fait Jean Teulé du poète le plus violent, certes, mais sans doute le plus novateur du XIXème siècle.
Une piste éventuelle : « Mais qu’importe l’éternité de la damnation à qui a trouvé une seconde l’infini de la jouissance. »
Bref, l’apport majeur du livre est la description du lent suicide conscient d’un enfant vraisemblablement surdoué mais complètement inféodé à sa mère, qui ne supporte pas que celle-ci se remarie avec un homme important qui ne fera aucun effort – mais cela aurait-il abouti ? – pour comprendre le génie précoce de Charles.
Autre remise en contexte : à la lecture des pièces les plus hardies – celles qui valurent à l’auteur et à son éditeur les foudres de la justice du Second Empire alors que fut relaxé Gustave Flaubert pour son roman Madame Bovary – on peut imaginer les hauts-le-cœur des bourgeois de l’époque.
Il s’agit donc ici d’une biographie romancée, qui retrace avec délectation la lente agonie, dans le stupre, les stupéfiants, la violence d’une sexualité perverse, le goût de la provocation, l’éternelle impécuniosité, la mauvaise foi, le plaisir de la destruction d’un génie de la littérature. Opération de déboulonnage de statue parfaitement menée. Docteur Freud, où êtes-vous …
L’auteur aura sans doute lu avec attention la notice du poète dans Wikipedia … et utilise les plus beaux poèmes pour leur inventer des décors à sa sauce, pour les transformer en scènes de genre … mauvais genre !
Victor Hugo aurait déclaré « Défense de déposer de la musique le long de mes vers. ». Charles Beaudelaire aurait pu exprimer cette même défense d’entrelarder ses poèmes d’une pseudo biographie brossée de manière aussi crue.
Crénom Beaudelaire, roman de Jean Teulé, édité chez Mialet-Barrault, 427 p., 21€