La petite voleuse de la soie, roman de José Frèches
Le grand avantage d’acheter des livres dans une vraie librairie, c’est de se laisser tenter par des auteurs dont on a entendu parler mais dont on n’a encore rien lu. Et de passer d’un polar archi-noir à un roman d’amour à l’ancienne …
Ainsi en est-il de ce dernier ouvrage de José Frèches, dont je savais qu’il était un spécialiste de la Chine, un « monde » qui m’intéresse depuis toujours.
Las, j’étais loin d’imaginer un roman « à l’eau de rose ». Car tout est là : une belle jeune fille asservie depuis sa plus tendre enfance mais douée de « doigts d’or » qui lui permettent de réaliser des broderies merveilleuses, un prince charmant balourd mais qui apprend vite auprès d’un vieil ermite taoïste, un général ambitieux, une intrigante redoutable … et des scènes de sexe torrides.
C’est la première lecture … superficielle.
Mais, ainsi qu’un palimpseste antique, il faut aussi percevoir le sens sous-jacent d’un texte plein de malice où l’auteur règle des comptes. Sous prétexte de nous décrire les rouages de la lourde bureaucratie impériale du IIIème siècle, ses portraits des hauts fonctionnaires du Fils du Ciel ressemblent fort à ses collègues de l’Administration française d’aujourd’hui.
Faut-il y chercher des clefs ?
N’oublions pas qu’avant de devenir écrivain, José Frèches fut diplômé de l’ENA – ici, l’école qui sélectionne et forme les mandarins s’intitule « La Forêt des Pinceaux » - et je me suis bien amusée à l’évocation du complexe d’infériorité des fonctionnaires qui ont échoué au concours par rapport à ceux qui l’avaient réussi … Il n’y a pas jusqu’à ces rebelles dits « Turbans jaunes » - j'ai vérifié, ils ont bien existé ! - qui m’ont bien fait sourire …
On peut aussi déceler un troisième niveau de lecture : l’initiation aux grands principes de la philosophie chinoise, encore largement en vigueur aujourd’hui. On lira avec intérêt – et parfois avec agacement devant leur fréquence – les notes de bas de pages, très didactiques. Avec un cours d’économie en prime, soulignant l’importance du produit d’exportation n¨1 de l’empire du Milieu : la soie.
En somme, cette légende romancée de l’exfiltration des larves de bombyx et de graines de murier hors de Chine est bien plus ancienne que ne le dit l'auteur (l'histoire aurait été racontée dès 600 avant J-C par le pèlerin Hsuan-tsang). Et même si la quatrième de couverture parle d’un « Grand roman au cœur des mystères de la Chine » ….
C'est, selon moi, un peu exagéré.
La petite Voleuse de la soie, roman de José Frèches, édité chez XO, 340 p., 19,90€