Les effarés, polar d'Hervé Le Corre
Une réédition en format poche du troisième ouvrage d’Hervé Le Corre, je ne pouvais pas résister … Mais la première question qui me vient à l’esprit après cette lecture haletante : comment le prof de lettres d’un collège de Bègles en vient-il à écrire des histoire aussi noires, gores, sanglantes, tragiques, hyperviolentes ?
En fait, je ne trouve pas les mots justes pour décrire ce style d’une cruauté et d’une précision aussi tranchantes. Une vision d’une partie de notre société sans aucun espoir, sans aucune issue : l’abyme de la pauvreté, de la drogue, du sexe en vidéo, du banditisme à la petite semaine.
Ce sont des sortes de "clusters", comme on dit maintenant : des malfrats psychopathes qui braquent les camions sortant de l’usine de production de magnétoscopes sur la RN 10 entre Bayonne et Bordeaux, des familles maghrébines qui se sont tuées à la tâche mais dont les fils sont et resteront au chômage, des filles perdues à la merci des premiers beaux-pères pervers, des flics mal commandés et tout aussi perdus.
Et, au centre de ces équipes de bras cassés, une verrue monstrueuse : la Cité Lumineuse de Bacalan, immense barre de 15 étages dominant la Garonne, 200 mètres de long, légèrement incurvée, construite au début des années 60.
L’histoire se passe en 1995, on en est encore aux Francs, la cité est presque entièrement condamnée, les appartements sont scellés à part deux ou trois dont on attend la mort des vieux habitants récalcitrants avant de démolir ce symbole d’un urbanisme mortifère.
Sauf un « bunker », un squatt très propre où se réunissent deux jeunes paumés : Tayeb et Olive, pour écouter de la musique à fond et sniffer de l’éther ; avec parfois aussi, la sublime Mila, qui fait des passes de temps en temps, pour passer le temps …
Pour Marion Ducasse, la fliquette, on devrait transformer l’immeuble « en attraction pour amateurs de sensations fortes, un compromis entre le train fantôme, la maison hantée et le labyrinthe parcouru par un Minotaure dément, armé jusqu’aux burnes. » Ce sera naturellement la scène finale du roman, avec hémoglobine et morts sur le carreau à la pelle. Aucune indulgence dans l’œil de l’auteur. Réalisme et critique sociétale garantis. On comprend tout de suite de quel côté politique il penche.
Ses romans historiques ultérieurs sont – légèrement – plus nuancés. Son style est déjà époustouflant. Impossible d’en tirer un film noir, qui serait bien trop glauque pour le spectateur, même les habitués des massacres en vidéo …
Et maintenant, il va me falloir me procurer les autres ouvrages de cet auteur, ceux que je n’ai pas encore lus … Je suis accro !
Les effarés, polar de Hervé Le Corre, édité par l’Eveilleur, en format de poche chez Points, 236 p., 6,90€