à propos des ateliers d’écriture et des romans policiers
Juste une petite réflexion de jour additionnel d'année bissextile ...
Je lis beaucoup.
C’est à la fois une jouissance mais parfois aussi une torture … Mais je me fais un devoir de lire – sauf rares exceptions – un ouvrage jusqu’à sa dernière page avant d’en parler, par respect pour le travail de l’auteur.
Cependant, à mesure que j’avance en âge, je remarque des similitudes, des « trucs », des procédés cousus de fil blanc. C’est particulièrement le cas des romans policiers. Chez certains auteurs, on finit par lire chaque année à peu près la même histoire, agrémentée de variantes. Mais la méthode finit par transparaître.
Car l’édition est devenue dépendante de la loi du profit, et la littérature n’est plus laissée seulement au hasard des talents. Bientôt, comme aux Etats-Unis, nous allons voir fleurir dans nos universités (comme par exemple au Havre), des cours d’écriture, avec un diplôme de master en création littéraireà la clé. N’y a-t-il pas ici le risque d’obtenir une façon d’écrire formatée ?
Remarque : l'art d'écrire correctement peut être utile dans bien d'autres domaines que la production littéraire ... Cela ne fera de mal à personne d'apprendre à structurer une pensée et à développer une argumentation limpide et élégant, destinée à provoquer une décision ...
Cependant, l’art d’écrire un bon polar a fait l’objet depuis longtemps de sérieuses analyses, élaborant un corpus de règles, des commandements. Et il y en aurait bien plus de dix.
Voici ceux que fixe Jorge-Luis Borges en 1933 :
- Pas de trop nombreux personnages, qui doivent rester facilement identifiés par le lecteur ;
- Toutes les données sont exposées dès le début afin que le lecteur puisse suivre toutes les pistes. L’élucidation du mystère doit être logique, difficile à déduire mais jamais « magique » ;
- La solution doit se déduire des ressources disponibles ;
- On privilégie le « comment » sur le « qui » ;
- Pas de scène de crime sanglante, pas de mise en danger imminent de l’enquêteur (c’est la différence avec le thriller) ;
- Absence de jugement moral ;
- Pas de rôle décisif du hasard dans la résolution de l’énigme ;
- Méfiance vis-à-vis des procédures d’investigation policière (nous sommes en 1933, on ne dispose pas des techniques de la criminalistique moderne !) :
- L’assassin doit appartenir à la distribution initiale …
A ces règles de base, S.S Van Dine (1888 - 1939) avait déjà décrété en 1928 :
- Pas d’intrigue amoureuse ;
- Un seul détective, un seul coupable ;
- Le coupable n’est jamais un domestique ni un professionnel du crime :
- Eviter les trop longues descriptions d’ambiance.
Selon Elmore Léonard (1925 – 2013), qui a influencé Quentin Tarantino, on ajoutera :
- Ne jamais commencer par le temps qu’il fait,
- Eviter les prologues, les points d’exclamation, le terme « soudain » ;
- Eviter les descriptions détaillées des personnages ;
- Rayer les passages que les lecteurs ont tendance à sauter !!!
Nantis de ces préceptes, chacun peut se risquer à écrire son roman policier … Car, malgré l’énorme production du genre (25% des livres achetés en France), ces principes ont peu évolué et continuent à sévir … rendant parfois ennuyeuse la lecture de ces bouquins devenus tellement prédictibles.
A part quelques auteurs qui s’appuient aussi sur une solide documentation (historique ou politique par exemple) … qui fait leur succès !