La France occupée, par August von Kageneck
C’est un livre très bref parce qu'inachevé, interrompu par la mort de son auteur en 2004, qui traite de la période 1939 – 1942. Il n’en reste pas moins un témoignage particulièrement objectif sur les ressorts du haut commandement allemand au lendemain de l’envahissement de la France en mai-juin 1940.
Issu d’une famille aristocratique catholique, August von Kageneck – tout comme ses frères – s’est engagé très tôt dans l’armée afin de ne pas devoir prêter serment à Hitler. Partisan et acteur inlassable de la réconciliation franco-allemande dès 1945, correspondant de Die Welt de 1956 à 1976, marié à une française et établi en France, il reconnaît la complicité de la Wehrmacht dans sa participation aux crimes nazis.
Après 44 jours de guerre, la jeune armée allemande donne une preuve d’invincibilité. Ils ont fait1,5 millions de prisonniers. Les soldats allemands sont émerveillés de découvrir Paris et ses beautés culturelles. L’accueil des français est perçu comme bon, dans un climat de confiance et de tolérance réciproque. Bien des Français trouvent du travail dans les services de l’armée allemande. Les soldats sont priés de se montrer respectueux …
En revanche, Hitler ne professe que mépris pour la France qui doit servir de réservoir de main d’œuvre et de matières premières. C’est une loi de 1935 sur l’Etat de Défense qui confie tout le pouvoir administratif – à l’exception de l’économie – au ministère de la guerre dans les pays occupés. En France, la consigne est d’employer le moins de personnel allemand possible.
L’ambiance se détériore cependant dès l’automne 40 après le renvoi de Laval : la libération de prisonniers réclamée par Vichy se fait attendre, les militaires allemands qui demandent des facilités de passage de la ligne de démarcation ne sont pas entendus. L’entrée en guerre contre la Russie fait tout basculer. Les attentats se multiplient – le premier en août 1941 – suivis de la répression par la prise d’otages et leur exécution.
Le mérite de ce livre est de décrire la psychologie des principaux acteurs allemands de l’occupation, dont certains sont loin d’apprécier les ordres d’Hitler : en particulier Otto von Stülpnagel, les tensions de l’Etat-major, le partage du pouvoir entre Wehrmacht et SS, la collaboration avec les autorités françaises.
Avec d’excellentes pré et post faces de Jean-Paul Bled, ce livre constitue un indispensable complément à l’ouvrage fondamental de Robert O. Paxton sur le même sujet.
La France occupée, par August von Kageneck, édité chez Perrin, collection Tempus (2012), 205 p., 8 €