Eva - roman d'espionnage d'Arturo Perez-Reverte
La suite* tant attendue des aventures de Lorenzo Falco, le nouveau héros d’Arturo Perez-Reverte. La troisième (Sabotage) est encore dans les dossiers du traducteur …
Quel talent !
A chaque nouvel opus, j’apprécie davantage l’ambiance, les détails, la psychologie des personnages. L’auteur a pourtant choisi pour premier rôle un homme à première vue détestable : Falco, c’est un monstre froid, un ruffian opportuniste, qui a choisi le camp nationaliste par intérêt, sans conviction ni scrupule car pour lui, les deux camps se valent en cruauté. Toujours aux aguets, toujours d’une élégance sans faille, avec dans le bandeau intérieur en cuir de son feutre une lame de rasoir qui lui permet d’égorger sans bavure celui – ou celle – qui l’agresse dans une rue sombre.
Falco fut jadis le fils dévoyé d’une famille prospère de producteurs de Xeres, le mouton noir renvoyé de partout, et en dernier de l’école navale, à cause d’une histoire de femme … Car c’est l’unique faiblesse de cet homme rompu à toutes les techniques d’espionnage et de combat de rues. Il a été formé en Roumanie, et fut « découvert » par le fameux trafiquant d’armes Basil Zaharoff pour lequel il a bourlingué dans tous les pays en guerre …
On le retrouve chargé de mission à Tanger où deux navires sont bloqués à quai : un cargo républicain convoyant l’or de la Banque d’Espagne en partance pour Odessa, et le destroyer nationaliste qui doit l’arraisonner et se saisir de la cargaison. Sur le navire républicain, il y a un commandant particulièrement héroïque et aussi trois passagers : un commissaire politique, un américain fervent communiste et Eva : la belle espionne russe que Falco a déjà rencontrée dans l’épisode précédent et qu’il a sauvée d’un sort dramatique. Tout les attire l’un vers l’autre, sauf la politique et leurs missions opposées.
Pire que n’importe quelle guerre est la guerre civile. Dans la moiteur humide des ruelles de Tanger en ce mois de mars 1937 s’affrontent les clans, fleurissent dans chaque camp les trahisons, les doutes, les compromissions, les passions. Ce deuxième épisode est encore meilleur que le premier et l’on se prend à aimer Falco, cet immonde et si distingué salopard …
*Je précise qu'on peut commencer la série par ce deuxième épisode, qui retrace le parcours déjà riche de péripéties de Falco ...
Eva - roman d’Arturo Perez-Reverte, traduit par Gabriel Iaculli, aux éditions du Seuil, 407 p., 21€