Une histoire de famille, récit de Jean-Louis Debré
J'avais récemment apprécié le récit familial de Marguerite Bérard, j'ai aussi aimé celui-ci ...
Jean-Louis Debré, qui fut entre autres Président du Conseil Constitutionnel, est l’un des maillons d’une dynastie française exemplaire à plus d’un titre.
Une lignée d’intellectuels, d’hommes politiques et d’artistes qui ont tous exalté l’amour de la France et de ses valeurs républicaines, jusqu’au plus haut niveau de l’Etat. Il a donc bien fait de retracer cette histoire en hommage à sa famille …
Il remonte ainsi au 9 octobre 1808, lorsque l’instituteur juif et chantre Anschel Moyse, venu de Bavière, a choisi de s’installer en Alsace avec ses fils et déclare au maire de Westhoffen le nom de famille Débré et comme prénom Anselme. En hébreu, Débré signifie « parler ». Ainsi marque-t-il son attachement au judaïsme.
Son fils Jacques, négociant, devient en 1852 le conseiller municipal de Westhoffen et le restera pendant 24 ans, c'est premier élu de la famille ; ensuite son fils Simon, Grand Rabbin de la République à Sedan, puis du Consistoire à Neuilly en 1919, un rabbin libre et réformateur qui a quitté l’Alsace pour ne pas devenir Allemand.
Son fils Robert, agnostique, choisit la science et devient professeur de médecine, fondateur de la pédiatrie moderne.
Michel Debré, père de l’auteur (1912 – 1996), principal rédacteur de la Constitution de la Vème République, Premier Ministre, fut l’un des collaborateurs principaux du général De Gaulle. Il deviendra catholique et transmettra cette religion à ses quatre enfants.
Ce livre est un hommage à ces hommes de foi (et à leurs épouses aussi ...), un hymne à la République et à la laïcité qui respecte toutes les religions, une réflexion sur la France terre d’accueil, qui, la première, a accordé la pleine citoyenneté active aux Juifs le 27 septembre 1791, la République qui estime que les hommes doivent être jugés non par le sang qui coule dans leurs veines mais pour leurs valeurs morales et intellectuelles.
Et dans la famille Debré, ce ne sont pas les qualités morales et intellectuelles qui manquent. A chaque génération, c’est l’excellence qui domine, au même titre que la spiritualité et le courage politique. Pour la période que je connais le mieux – je suis de la même génération que Jean-Louis Debré - l’ouvrage apporte des éléments passionnants comme, par exemple, la position antisioniste du Professeur Debré, influencé par Jaurès, Anatole France, Paul Valéry et Charles Péguy, qui considère la création de l’Etat d’Israël comme « une faute contre l’esprit ». Un sentiment qui ne sera pas partagé par son fils Michel.
Jean-Louis Debré nous parle de son père avec tendresse et lui redonne son humour, sa pensée sociale opposée à la bourgeoisie dont il est pourtant issu, sa proximité avec les idées réformatrices du général de Gaulle. Fondateur de l’ENA en 1945, il évoque les griefs faits aux énarques « accusés de vouloir diriger la France à la place des ministres et de s’ériger en une sorte de caste » alors que ces critiques émanent souvent « de politiques trop faibles pour assumer leurs responsabilités, et qui s’abritent derrière les hauts fonctionnaires pour agir. Quitte à leur reprocher par la suite de jouir d’un pouvoir qu’ils ont eux-mêmes concédé par incapacité à l’assumer . »
Cette famille méritait qu’on raconte cette histoire … qui continue aujourd’hui !
Une histoire de Famille, récit par Jean-Louis Debré, édité ches Robert Laffont, 268 p., 21€